... et aussi le simple plaisir d'écrire.

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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...

samedi 30 juillet 2011

No man's land.




1ère publication: 25/03/2009

Je me suis absenté un bon moment… Une escapade imposée dans un no man’s land qui est le terrain privilégié des gens (très) matures. Le bout du monde pour la plupart d’entre vous… Je veux signifier par là le temps de la mise en retrait… La retraite… Le temps d’un souffle est passé et ce qui me semblait, quand j’étais enfant, relever du domaine de la S.F., une époque improbable, ce qui me semblait faire partie de la vie des autres, des anciens, et ne pouvoir jamais me concerner, est pourtant bien là, à la fois attendu, la fatigue et la lassitude du travail aidant, et inopportun, déroutant… Au sens propre du terme, comme si l’on vous sortait de la « route » commune… Avec l’impression diffuse d’entrer dans le futile, fut-il inéluctable…
Mais cela sous-entend que l’avant fut d’importance... En quoi puis-je en être sûr ? Cela sous-entend que l’après est d’un degré inférieur à ce qui le précéda… Ce sera à moi de le démentir ?

J’étais enseignant. On cesse tout à coup ses activités , on perd brutalement ses pairs et ses repères. On est soudainement libre et seul. Notre identité sociale s’effiloche...
Certains disent qu’ils n’ont jamais été autant actifs que pendant le temps de la retraite. Etrange paradoxe que de battre en retraite et d’être sur le front de l’activisme...
Pour ma part, mais c’est encore tout récent, la période, sans être un semblant de Bérésina, est propice au doute, au repli (mais en rangs serrés et la tête haute). Besoin de solitude…. Why not ? Mais la question qu’on se pose est: jusque quand ?...
Certains « travailleurs et travailleuses » disent m’envier mais sont-ils prêts à céder quelques années de leur jeunesse contre quelques années de retraite « paisible » incluant le poids des ans… On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre dit la sagesse populaire… :)
Pour ma part, l’identité sociale ne se résumait pas au seul statut d’enseignant. Pas de retraite pour l’artiste… Ouf !… On me répète comme une litanie « Veinard, tu vas pouvoir peindre comme tu veux, quand tu veux… ». Mais, à près avoir pesté toute ma vie contre le manque de temps qui me privait de peindre en toute liberté, aujourd'hui que cette liberté est (presque) totale, je me sens impuissant, neutralisé, inhibé... Le chevalet du peintre est devenu chevalet des supplices. Avec l'impression peut-être que l'obsession de l'Art m'a détourné des vrais et simples plaisirs de la vie...

Or le temps de la retraite nous met face brutalement au réel, à la vie quotidienne… Il faut coûte que coute s'y ancrer et y trouver des raisons de la trouver belle. A force d'avoir trop voulu la magnifier, ou la fuir diront certains, dans un Art (la face rêvée de notre réalité) qui nous paraissait essentiel, je me demande s'il ne faut pas un jour en payer le prix... Le jour où l'art nous fait défaut et que la vie s'impose à nous, sans contrainte, donc nue, et qu’il nous faut alors l’habiller de nos désirs, de nos nouvelles habitudes, de nos béquilles (au figuré et ... au sens propre le plus tard possible), de tout un corpus d’activités où, espérons le,
l’être ne se noiera pas dans le faire mécaniquement accompli...
Il s’avère alors urgent de trouver en soi les ressources qui vont nous permettre de ne pas simplement vivre pour vivre, trouver les ressources d’oublier que l’essentiel de la vie est derrière, estimer que ce qui fut vécu peut être un avantage, le support d’une expérience qui permet de mieux appréhender un futur qui rétrécit comme peau d’amertume, mais admettre aussi que ce qui fut peut être un terrible handicap, le poids accumulé des désillusions passées… « Il y a pourtant tant de choses à faire !… » me dit-on. J’en conviens et certaines de ces « choses », je les ai pratiquées pendant les beaux jours de ma vie active… puis laissées sur le bas côté. Manque de constance ? Excès de lucidité qui me fait percer à jour les vrais motivations des gens ? Attitude négative qui me fait toujours percevoir « le mauvais côtés des choses » ? Si je mélange tous ces ingrédients pour en faire une pâte homogène à laquelle j’ajoute une bonne dose d’agnosticisme et que je laisse reposer, il y surnage encore quelques bulles de confiance en l’humanité… Une humanité plutôt ratée et dont le grand chef devrait en revoir la recette s’il lui prenait l’envie de réitérer. Dieu nous en préserve…
La peinture pour ma part, l’Art en général pour beaucoup d’entre nous, fut donc une cuisine de substitution que je tentais de maîtrisais tant bien que mal. J’y mettais mes propres ingrédients pour mieux digérer le brouet souvent indigeste que la vie dès l’enfance nous a obligé à ingérer… C’est peut-être en cela qu‘il est libérateur tant qu’il ne devient pas obsessionnel sinon l’oreille coupée et le verre d’absinthe ne sont jamais loin… Quand on demande à un artiste comment il procède, il nous répond souvent « je fais ma p’tite cuisine... » . Cuisine de la pâte qu’on mélange, du trait qui hésite, du couteau à peindre qui racle, de la toile vierge qui nous désespère… Cuisine des émotions troubles qui ne veulent pas prendre forme, recettes toutes faites dont il faut s’affranchir, cuisine de l’âme...
Flash back: j’ai écrit ci-dessus « Avec l'impression peut-être que l'obsession de l'Art m'a détourné des vrais et simples plaisirs de la vie… » Comme si cela avait pu dépendre de moi, comme si cela avait été un choix délibéré… Notre vision du passé, lorsque l’on se retourne vers lui, se pare d’un libre-arbitre bien illusoire qui n’existait pas en son temps (si j’avais su !…) … Rien à regretter donc. Il en fut ainsi et si je devais renaître dans la même peau, avec le même esprit, il en serait de même. Foutu Samsara, il me fera recommencer à zéro puisque je n’ai pas progressé ... :)
Inutile de regretter quelque chose qu’on fut incapable d’accomplir et que l’on sacrifia sur l’autel de la création artistique. Quoi que fût le moteur à la source de toute cette énergie et qui s’emballait régulièrement (compensation, sublimation, etc…), impossible alors de couper le contact… Dans les moments les plus intenses, on n’est pas loin, me semble-t-il, d’un état d’addiction. Et lorsque le doute s’installe ou que l’inspiration nous nargue, un état de manque psychologique nous pénètre insidieusement car le besoin impérieux de créer subsiste…
Aujourd’hui ce désir même semble en berne, le manque est donc d’un autre ordre… Moins brutal, moins intense. Il s’agit moins d’un manque d’inspiration toujours possible comme par le passé que d’un manque des sensations, des plaisirs, des bonheurs connus dans l’acte de créer… Comme un manque qui s’appellerait nostalgie… L’inspiration est là, les idées sommeillent mais vivotent, c’est la force de les mettre en forme qui semble éteinte. Un peu comme une mère épuisée ou sans illusion sur l’avenir de l’enfant bien vivant qui n’attend que le bon de sortie...
Quelque chose est peut-être mort à jamais… Cette énergie intense de la jeunesse en pleine création, une énergie forte des longues années à venir et qui soulèverait de montagnes… Elle peut cependant, je l’espère, revenir me surprendre, au détour d’une toile vierge, certes assagie, plus mature, mais quémandeuse d’un résultat que j’espère pouvoir atteindre…
Sinon il me faudra bien en venir « aux vrais et simples plaisirs de la vie » pour en arpenter les derniers chemins… Aller se promener, écouter de la musique, apprécier d’être encore de ce monde, aller se promener, faire des courses, jouir de la bonne santé du temps présent, aller se promener, marcher, marcher, marcher…. pour ne pas finir pétrifié sur place mais … au risque de se mouler dans des habitudes lénifiantes…

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