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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...
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vendredi 15 novembre 2013

Le "mythe identitaire". Episode 6. Emergence des nouvelles mentalités.

"la gouvernante" de Chardin (17ème)

Tout ce qui précède a laissé des traces indélébiles chez les individus.
La civilisation des mœurs a produit des corps soumis, faisant ainsi évoluer les sensibilités collectives. Un sens plus individuel de la mort apparaît. Une perception du corps spécifique aux Occidentaux christianisés se met en place. L'individualisme émerge aux dépens d'une sociabilité populaire apprise à la taverne, lieu de convivialité et d'exutoire mais aussi d'apprentissage des comportements collectifs. Peu à peu la promiscuité devient plus difficile à supporter. Le corps découvre la pudeur et le besoin d'intimité. Finis les joyeux bains publics où se mêlaient hommes et femmes dans la plus parfaite innocence (pas si sûr :)... )
On assiste à un dressage des corps: acceptation du principe de la culpabilisation de la chair, progression des auto-contraintes dans les manières de boire, de manger, de s'habiller, de se comporter en public. Au fur et à mesure que cela progresse à la ville, le modèle paysan paraît de plus en plus grossier, animal… La notion de distinction chère à Bourdieu se met en place. Entendons nous bien, que les moeurs se soient afffinées est une bonne chose en soi mais quand, dans certains milieux, elles deviennent un carcan imposé au détriment de la spontanéité, un signe de distinction par rapport aux autres, cela devient dommageable... C'est tout le système des codes sociaux, et de la politesse si chère au 18ème siècle à venir qui se met en place, Contrainte assimilée de gré, imposée de force ou par la puissance du désir mimétique pour un mieux vivre ensemble au détriment de la liberté d'être ce qu'on veut. Contrainte et uniformisation ...
L'apparence et la manière d'être permettent d'afficher de plus en plus son appartenance au modèle idéal du 17ème siècle, celui de «l'honnête homme», impossible à atteindre pour la plupart…
Paradoxe: ces nouvelles valeurs se veulent universelles mais peinent à s'imposer, agissent en fait plus comme facteur de différenciation entre les gens que comme facteur d'assimilation. La perception du moi et du surmoi s'affine et les individus s'isolent de plus en plus par les gestes et les attitudes qui tissent des frontières de plus en plus nettes. On veut unifier et l'on sépare !...
Les lieux et les moments où les pulsions s'affichaient sans honte diminuent peu à peu: fêtes, carnavals et charivaris sont réprimés. Il y a de belles scènes dans le «Molière» d'Ariane Mnouchkine qui mettent en scène cette répression. Il faut refouler l'animalité ! De la même façon que les bûchers symbolisaient bien cette frontière nouvelle entre le bien et le mal, l'ordre et le désordre, au nom d'un nouveau savoir-vivre opposé à une conception magique de la nature...
Ce sont Claude Levy-Strauss et Frazer qui ont bien montré comment les bonnes manières et les ustensiles d'hygiène et de table dressent un barrage, une distanciation rassurante par rapport aux fonctions d'un corps diabolisé. Et tous ces critères de distinctions unissent ceux qui les partagent en les distinguant des autres. On se reconnaît d'autant mieux dans le groupe auquel on appartient qu'on se différencie de plus en plus des autres groupes, Bourdieu a très bien montré cela et la distinction sociale qu'il a mis à jour a ses racines dans ce 17ème siècle rigide. Malheureusement, rien n'a changé depuis. Ne le constate-t-on pas d'autant plus aujourd'hui en ces temps de crise ?
Dans la bonne société, le moi a tendance aussi à s'intérioriser et le corps se fait le miroir spectaculaire de la distinction. Les corps se guindent, se contraignent, se cachent, se fardent, se poudrent, se parent de vêtements ostentatoires. L'apparence devient une stratégie. Ce qui n'empêche pas certains aristocrates de recevoir leurs invités sur leur chaise percée. Ultime privilège des Grands. Quant à Versailles, il paraît que c'était une puanteur masquée sous la lourdeur musquée des parfums...
Mais le but essentiel est bien de masquer ou mieux de refouler l'animal qui est en nous, de discipliner les passions. L'enfer est en nous car la chair est faible mais il devient de plus en plus aussi les autres. Culpabilité personnelle et haine de l'autre, de celui qui affiche sans vergogne son animalité, font bon ménage.
Dès le 18ème siècle, on est intrigué par l'exotisme, le Noir, l'Indien mais on a finalement peur de l'homme des champs parce qu'il nous parle d'une partie de nous-mêmes qu'on veut oublier… N'est-ce pas la même chose aujourd'hui face au problème de la marginalité ? Le marginal, le déviant n'est-il pas un miroir déformant de nous-mêmes ? Toujours la même histoire de l'attraction/répulsion… Freud, s'il avait pu se projeter dans le passé, n'aurait pas fait recette au 15ème mais aurait eu déjà de quoi faire à partir du 17ème …
Distinction sociale, intériorisation, individualisme… Voilà quelques schémas mentaux toujours bien présents à notre époque et qui ont pu se développer, pas uniquement (il y a aussi des facteurs économiques qui ont joué) mais pour beaucoup sous la férule d'une volonté unificatrice de l'Etat et de l'Eglise…
Dans l'épisode suivant nous nous attarderons un peu sur l'évolution de la famille et des relations entre générations durant le 18ème siècle pour atteindre le grand chambardement de 89... Mais dès maintenant, l'on sent bien que c'est déjà un peu de nous, hommes et femmes du 21ème siècle dont nous parlons...

jeudi 14 novembre 2013

Le "mythe identitaire" Episode 5. La "sorcière"... inventée.




Mais comment faire ?
On va donc inventer purement et simplement une anti-religion organisée, une religion satanique pour mieux cristalliser, par opposition, l'image de Dieu. Une pure invention des théologiens et des juges !... Des traités très sérieux de démonologie seront écrits pour théoriser et mettre en place des pratiques que nous trouverions aujourd'hui révoltantes ou incongrues. .
Quoique … Bush et l'Irak par exemple étaient encore bien loin mais la ficelle des fausses accusations construites de tout pièce pour justifier ses actes était donc déjà bien connue… Diaboliser l'ennemi … Quant à Satan justement, il a encore de beaux jours devant lui: ne distingue-t-on pas encore aujourd'hui l'Axe du Mal pour certains et le Grand Satan pour d'autres ?
Mais je m'égare ou plutôt j'anticipe sur les derniers épisodes... Revenons à nos moutons ou plutôt à nos démons.
Au cours des procès, les témoins ne font, en premier lieu, aucune allusion à des pratiques sataniques. Ils évoquent, au premier abord (avant qu'on leur chatouille les pieds ou mieux qu'on les expose au-dessus d'un lit de braises), seulement des rites, des maléfices, des sorts, attirail coutumier, ancestral du guérisseur de village. Mais, après un interrogatoire un peu plus musclé, (je vous passe les détails par respect pour les cœurs tendres qui me lisent peut-être) comme par enchantement, les allusions à Satan deviennent claires et nettes !… Des pratiques coutumières bien inoffensives, mais dans la bouche des juges et dans les compte-rendus de procès, irrémédiablement reliées à Satan… Ce cher Harry Potter n'aurait pas fait "long feu" à l'époque ainsi que son auteur.
La sorcellerie alliée du diable est une pure invention de l'accusation pour mieux vaincre la culture populaire à travers sa figure archétypale, la guérisseuse devenue «sorcière»… D'ailleurs, n'y voyait-on pas la marque du démon lorsque l'on trouvait sur la malheureuse une cicatrice ou un grain de beauté qui décidément «sentait trop le soufre» ? Et dans cette bonne cité d'Allemagne, lorsqu'on jetait à l'eau «l'âme damnée» ligotée et enfermée dans un sac, ne voyait-on pas que Dieu lui donnait tort ... puisqu'elle ne survivait pas !… Justice expéditive et imparable. Avec «God on our side» (disait Dylan), on n'a jamais tort…
Prenons un exemple type : le procès de Nisette, jugé à Vieil-les-Hesdin dans le Nord en 1573. La «sorcière» est souvent une vieille femme, pauvre et seule, illettrée, déviante sexuellement (3 époux !), déviante socialement (3 mariages dont 1 avec un étranger au village qui devait habiter au moins à 30 km ! La pire des choses...), marquée par le malheur (perte d'enfants) et guérisseuse (elle sait utiliser les plantes). Tout pour plaire...
Le stéréotype de la «sorcière» présente donc l'inverse des nouvelles valeurs sociales: elle propage la vieille culture. Il n'y a qu'un pas pour qu'elle devienne l'exutoire, le bouc émissaire désigné par les villageois les plus riches avides de correspondre aux nouvelles normes (pensez à notre cher "bourgeois gentilhomme") ou ceux qui culpabilisent de ne pas pouvoir adhérer pleinement au nouveau modèle imposé, faute d'un magot assez garni. René Girard a beaucoup écrit sur ce désir mimétique, le désir de désirer ce que l'autre désire, et le processus qu'il engendre pour apaiser les conflits, la mise à mort de la « victime émissaire »...
De plus, la «sorcière» est souvent une femme donc dangereuse par nature (Eve est passée par là) et elle est veuve donc doublement dangereuse car libre et réputée insatiable sexuellement (capable d'absorber l'énergie masculine de ces pauvres messieurs non consentants!).
En dénonçant la sorcière, on se démarque: elle focalise sur sa personne les peurs, les doutes, la mauvaise conscience. Un bon bûcher bien visible prouve aux autorités qu'on est bien dans la ligne espérée. On réchauffe aux flammes sa conscience frileuse, les braises encore fumantes des corps consumés sont la preuve que nous sommes du côté des «bons», les dénonciateurs, les conformistes, les "modernes"... On a l'impression d'avoir déjà entendu cela il n'y a pas si longtemps … sous Vichy par exemple.
Et n'oublions pas que la malheureuse, torturée par le « séculier» (le clergé se contente des procès), voit son âme ainsi sauvée au dépens bien sûr de son corps calciné. On ne peut pas tout avoir. Le bûcher est donc un acte exemplaire pour le peuple (voilà ce qu'il faut renier !) et un acte de piété et de salut (paix à son âme !)...
On a pu distinguer 3 types de situation:
-Dans les communautés en évolution, là où les riches laboureurs commencent à dominer, là où les laboureurs de condition moyenne diminuent, les tensions sociales sont fortes. Il y a persécution.
-Quand le processus de domination est accompli, les riches laboureurs règnent en maîtres. Pas de chasse aux «sorcières». Les boucs émissaires, les bûchers sont inutiles.
-Quand il n'y a pas de riches laboureurs, seulement des laboureurs moyens ou petits paysans, les tensions sont moins vives. Pas de dénonciations…
Il y a donc dénonciations tant que les reclassements sociaux et mentaux ne sont pas stabilisés.
Ainsi le monde rural a résisté longtemps à l'intrusion d'une vision du monde étrangère et coercitive. A la fin du 17ème siècle, la chasse aux sorcières s'arrête. Elle n'a plus de raison d'être. La paysannerie est soumise, du moins en apparence. Bien sûr, il y aura encore des révoltes paysannes, souvent contre l'impôt. Les fameux « bonnets rouges » fort en vogue en ce moment par exemple ...
Mais des processus mentaux irréversibles se sont imposés même si des poches de résistances subsistent. Nous les mettrons à jour bientôt dans notre prochain épisode si vous le voulez bien.

mercredi 13 novembre 2013

Le mythe identitaire. Episode 4. Répression et corps brisés...


Attention ! C'est l'épisode qui entame la série de toutes les frayeurs… Vous n'êtes pas obligés de le lire. Il est encore temps de faire marche arrière mais, bon !, ça manquerait un peu de panache….
C'est le 17ème siècle, le siècle de ce cher Louis dit le 14ème qui va mettre en place les mécanismes à civiliser les mœurs... sous la contrainte, les outils à unifier par la force et la terreur.
Ce qui était permis ou toléré se criminalise peu à peu (un peu comme la cigarette de nos jours et bien d'autres choses... :) )
Main dans la main, Etat et Eglise instaurent l'ordre moral. Instaurer la Cité de Dieu sur terre et dans tous les actes de la vie quotidienne, n'est-ce pas un beau rêve ? Qui pourrait ne pas être d'accord ? Seuls les rustres et vilains, n'est-il pas ?
Un roi, une loi, une foi… Belle devise. C'est propre, c'est net, c'est loin de faire désordre. Un modèle pyramidal s'installe peu à peu: le roi représente Dieu sur terre et chaque père de famille possède une autorité quasi royale sur la sienne. N'en déplaise à ces dames..
Un roi, une loi, une foi… Attenter à l'un, c'est attenter aux deux autres principes. Une société très chrétienne, misogyne et patriarcale… Mais cela ne va pas de soi. Il faut des outils. La procédure inquisitoriale est adoptée définitivement et l'usage de la torture est réglementé. Tout est prêt…
Parallèlement à cela, le siècle est agité par de grandes crises économiques, sociales, politiques, ce qui fait se disjoindre encore plus les groupes sociaux. L'exode rural s'intensifie. Et vient le temps où les pauvres, les fous, les hérétiques, les «sorcières» vont envahir l'imaginaire des gouvernants et des possédants de plus en plus inquiets. Il faut bien fixer ses peurs et ses hantises sur quelque chose. Les Juifs, ça devient d'un banal...
Alerte rouge ! Il est temps de prendre son xanax…
Justice et police vont se mettre à l'œuvre. C'est l'époque du «renfermement» des pauvres et des fous décrit par Foucault dans son «Histoire de la folie». On va briser les corps pour mieux briser les esprits. En mutilant les corps, on précise ainsi en place publique les limites du permis. On réprime ainsi les passions et les corps contraints feront des corps soumis et productifs. Le supplice public est ainsi exemplaire, permettant au pouvoir d'afficher sa force et d'éliminer tout danger de contamination. Rien de tel que quelques membres brisés, ligaments distendus, peau écorchée, etc… pour faire rentrer dans le moule de la Loi les plus récalcitrants. Il faut dire aussi qu'un supplice bien mené par un bourreau/artiste enchantait les foules autant qu'il les terrorisait… Ah! Ces humains et leur curiosité malsaine, esclaves du couple attirance/répulsion. Mais c'était d'un autre âge, bien sûr… On a quand même évolué.. La télévision nous le prouve tous les jours ...
Le marginal est en effet littéralement contagieux d'où l'enfermement des pauvres dans les Hôpitaux généraux, loin de la Cité de Dieu sur terre… Sinon, ça fait désordre. C'est donc surtout et d'abord la ville qui servira de champ d'expérimentation à l'invention de ce qu'on appellera «l'homme moderne»… C'est-à-dire nous ...
Au village, tout se concentre plutôt sur le personnage de la «sorcière», processus très révélateur des mentalités de l'époque.
Les sources: les traités de démonologie, rapports de témoins, compte-rendu de procès, sommes payées aux témoins, bourreaux, prix du banquet offert aux juges, etc…
Rappel: le paysan vit en vase clos, dominé par un temps cyclique, au rythme des saisons, animé de peurs réelles (épidémies, froid, guerres, mauvaises récoltes…) et de peurs imaginaires (la nuit, le diable, le corps cet inconnu…). D'où une grande instabilité psychologique et une agressivité à fleur de peau. Une vision du monde qui reste essentiellement magique, un monde plein de vie, de forces fastes ou néfastes. Et c'est le «sorcier» ou la «sorcière» qui agira sur ce monde, à la fois admiré et redouté. Quand on cessera de croire en lui, il ne sera plus qu'un bouc émissaire tout désigné et sera persécuté.
Bien sûr, on est chrétien mais à sa façon, un christianisme intégré dans une vision encore très animiste. Faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier quand même!. Les fêtes religieuses sont aussi des fêtes profanes: danses et jeux de la Toussaint pour apaiser les morts, feux de la St Jean, véritable explosion sexuelle à Noël (une honte !) avec la fête des ânes et des fous où les rôles sociaux sont inversés (un comble!), hystérie collective des carnavals et charivaris. Jeux et fêtes redéfinissent sans cesse l'appartenance au groupe et perpétuent l'état existant en triomphant de la mort.
Inévitablement, une telle culture transmise essentiellement par les femmes, va se heurter à la volonté unificatrice du pouvoir et de l'église. La répression sera systématique.
Il faut battre en brèche la fête des corps, anéantir la vision horizontale et ambivalente du monde populaire pour projeter l'homme vers le ciel dans une vision verticale et dualiste. Après la soumission des corps par l'Etat, la soumission des âmes par l'Eglise…
Mais comment faire ? Vous le saurez dans le 5ème épisode si vous êtes encore de ce monde ou plutôt du monde que je vous ai proposé depuis quelque temps...