... et aussi le simple plaisir d'écrire.

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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...
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jeudi 14 novembre 2013

Le "mythe identitaire" Episode 5. La "sorcière"... inventée.




Mais comment faire ?
On va donc inventer purement et simplement une anti-religion organisée, une religion satanique pour mieux cristalliser, par opposition, l'image de Dieu. Une pure invention des théologiens et des juges !... Des traités très sérieux de démonologie seront écrits pour théoriser et mettre en place des pratiques que nous trouverions aujourd'hui révoltantes ou incongrues. .
Quoique … Bush et l'Irak par exemple étaient encore bien loin mais la ficelle des fausses accusations construites de tout pièce pour justifier ses actes était donc déjà bien connue… Diaboliser l'ennemi … Quant à Satan justement, il a encore de beaux jours devant lui: ne distingue-t-on pas encore aujourd'hui l'Axe du Mal pour certains et le Grand Satan pour d'autres ?
Mais je m'égare ou plutôt j'anticipe sur les derniers épisodes... Revenons à nos moutons ou plutôt à nos démons.
Au cours des procès, les témoins ne font, en premier lieu, aucune allusion à des pratiques sataniques. Ils évoquent, au premier abord (avant qu'on leur chatouille les pieds ou mieux qu'on les expose au-dessus d'un lit de braises), seulement des rites, des maléfices, des sorts, attirail coutumier, ancestral du guérisseur de village. Mais, après un interrogatoire un peu plus musclé, (je vous passe les détails par respect pour les cœurs tendres qui me lisent peut-être) comme par enchantement, les allusions à Satan deviennent claires et nettes !… Des pratiques coutumières bien inoffensives, mais dans la bouche des juges et dans les compte-rendus de procès, irrémédiablement reliées à Satan… Ce cher Harry Potter n'aurait pas fait "long feu" à l'époque ainsi que son auteur.
La sorcellerie alliée du diable est une pure invention de l'accusation pour mieux vaincre la culture populaire à travers sa figure archétypale, la guérisseuse devenue «sorcière»… D'ailleurs, n'y voyait-on pas la marque du démon lorsque l'on trouvait sur la malheureuse une cicatrice ou un grain de beauté qui décidément «sentait trop le soufre» ? Et dans cette bonne cité d'Allemagne, lorsqu'on jetait à l'eau «l'âme damnée» ligotée et enfermée dans un sac, ne voyait-on pas que Dieu lui donnait tort ... puisqu'elle ne survivait pas !… Justice expéditive et imparable. Avec «God on our side» (disait Dylan), on n'a jamais tort…
Prenons un exemple type : le procès de Nisette, jugé à Vieil-les-Hesdin dans le Nord en 1573. La «sorcière» est souvent une vieille femme, pauvre et seule, illettrée, déviante sexuellement (3 époux !), déviante socialement (3 mariages dont 1 avec un étranger au village qui devait habiter au moins à 30 km ! La pire des choses...), marquée par le malheur (perte d'enfants) et guérisseuse (elle sait utiliser les plantes). Tout pour plaire...
Le stéréotype de la «sorcière» présente donc l'inverse des nouvelles valeurs sociales: elle propage la vieille culture. Il n'y a qu'un pas pour qu'elle devienne l'exutoire, le bouc émissaire désigné par les villageois les plus riches avides de correspondre aux nouvelles normes (pensez à notre cher "bourgeois gentilhomme") ou ceux qui culpabilisent de ne pas pouvoir adhérer pleinement au nouveau modèle imposé, faute d'un magot assez garni. René Girard a beaucoup écrit sur ce désir mimétique, le désir de désirer ce que l'autre désire, et le processus qu'il engendre pour apaiser les conflits, la mise à mort de la « victime émissaire »...
De plus, la «sorcière» est souvent une femme donc dangereuse par nature (Eve est passée par là) et elle est veuve donc doublement dangereuse car libre et réputée insatiable sexuellement (capable d'absorber l'énergie masculine de ces pauvres messieurs non consentants!).
En dénonçant la sorcière, on se démarque: elle focalise sur sa personne les peurs, les doutes, la mauvaise conscience. Un bon bûcher bien visible prouve aux autorités qu'on est bien dans la ligne espérée. On réchauffe aux flammes sa conscience frileuse, les braises encore fumantes des corps consumés sont la preuve que nous sommes du côté des «bons», les dénonciateurs, les conformistes, les "modernes"... On a l'impression d'avoir déjà entendu cela il n'y a pas si longtemps … sous Vichy par exemple.
Et n'oublions pas que la malheureuse, torturée par le « séculier» (le clergé se contente des procès), voit son âme ainsi sauvée au dépens bien sûr de son corps calciné. On ne peut pas tout avoir. Le bûcher est donc un acte exemplaire pour le peuple (voilà ce qu'il faut renier !) et un acte de piété et de salut (paix à son âme !)...
On a pu distinguer 3 types de situation:
-Dans les communautés en évolution, là où les riches laboureurs commencent à dominer, là où les laboureurs de condition moyenne diminuent, les tensions sociales sont fortes. Il y a persécution.
-Quand le processus de domination est accompli, les riches laboureurs règnent en maîtres. Pas de chasse aux «sorcières». Les boucs émissaires, les bûchers sont inutiles.
-Quand il n'y a pas de riches laboureurs, seulement des laboureurs moyens ou petits paysans, les tensions sont moins vives. Pas de dénonciations…
Il y a donc dénonciations tant que les reclassements sociaux et mentaux ne sont pas stabilisés.
Ainsi le monde rural a résisté longtemps à l'intrusion d'une vision du monde étrangère et coercitive. A la fin du 17ème siècle, la chasse aux sorcières s'arrête. Elle n'a plus de raison d'être. La paysannerie est soumise, du moins en apparence. Bien sûr, il y aura encore des révoltes paysannes, souvent contre l'impôt. Les fameux « bonnets rouges » fort en vogue en ce moment par exemple ...
Mais des processus mentaux irréversibles se sont imposés même si des poches de résistances subsistent. Nous les mettrons à jour bientôt dans notre prochain épisode si vous le voulez bien.

mercredi 13 novembre 2013

Le mythe identitaire. Episode 4. Répression et corps brisés...


Attention ! C'est l'épisode qui entame la série de toutes les frayeurs… Vous n'êtes pas obligés de le lire. Il est encore temps de faire marche arrière mais, bon !, ça manquerait un peu de panache….
C'est le 17ème siècle, le siècle de ce cher Louis dit le 14ème qui va mettre en place les mécanismes à civiliser les mœurs... sous la contrainte, les outils à unifier par la force et la terreur.
Ce qui était permis ou toléré se criminalise peu à peu (un peu comme la cigarette de nos jours et bien d'autres choses... :) )
Main dans la main, Etat et Eglise instaurent l'ordre moral. Instaurer la Cité de Dieu sur terre et dans tous les actes de la vie quotidienne, n'est-ce pas un beau rêve ? Qui pourrait ne pas être d'accord ? Seuls les rustres et vilains, n'est-il pas ?
Un roi, une loi, une foi… Belle devise. C'est propre, c'est net, c'est loin de faire désordre. Un modèle pyramidal s'installe peu à peu: le roi représente Dieu sur terre et chaque père de famille possède une autorité quasi royale sur la sienne. N'en déplaise à ces dames..
Un roi, une loi, une foi… Attenter à l'un, c'est attenter aux deux autres principes. Une société très chrétienne, misogyne et patriarcale… Mais cela ne va pas de soi. Il faut des outils. La procédure inquisitoriale est adoptée définitivement et l'usage de la torture est réglementé. Tout est prêt…
Parallèlement à cela, le siècle est agité par de grandes crises économiques, sociales, politiques, ce qui fait se disjoindre encore plus les groupes sociaux. L'exode rural s'intensifie. Et vient le temps où les pauvres, les fous, les hérétiques, les «sorcières» vont envahir l'imaginaire des gouvernants et des possédants de plus en plus inquiets. Il faut bien fixer ses peurs et ses hantises sur quelque chose. Les Juifs, ça devient d'un banal...
Alerte rouge ! Il est temps de prendre son xanax…
Justice et police vont se mettre à l'œuvre. C'est l'époque du «renfermement» des pauvres et des fous décrit par Foucault dans son «Histoire de la folie». On va briser les corps pour mieux briser les esprits. En mutilant les corps, on précise ainsi en place publique les limites du permis. On réprime ainsi les passions et les corps contraints feront des corps soumis et productifs. Le supplice public est ainsi exemplaire, permettant au pouvoir d'afficher sa force et d'éliminer tout danger de contamination. Rien de tel que quelques membres brisés, ligaments distendus, peau écorchée, etc… pour faire rentrer dans le moule de la Loi les plus récalcitrants. Il faut dire aussi qu'un supplice bien mené par un bourreau/artiste enchantait les foules autant qu'il les terrorisait… Ah! Ces humains et leur curiosité malsaine, esclaves du couple attirance/répulsion. Mais c'était d'un autre âge, bien sûr… On a quand même évolué.. La télévision nous le prouve tous les jours ...
Le marginal est en effet littéralement contagieux d'où l'enfermement des pauvres dans les Hôpitaux généraux, loin de la Cité de Dieu sur terre… Sinon, ça fait désordre. C'est donc surtout et d'abord la ville qui servira de champ d'expérimentation à l'invention de ce qu'on appellera «l'homme moderne»… C'est-à-dire nous ...
Au village, tout se concentre plutôt sur le personnage de la «sorcière», processus très révélateur des mentalités de l'époque.
Les sources: les traités de démonologie, rapports de témoins, compte-rendu de procès, sommes payées aux témoins, bourreaux, prix du banquet offert aux juges, etc…
Rappel: le paysan vit en vase clos, dominé par un temps cyclique, au rythme des saisons, animé de peurs réelles (épidémies, froid, guerres, mauvaises récoltes…) et de peurs imaginaires (la nuit, le diable, le corps cet inconnu…). D'où une grande instabilité psychologique et une agressivité à fleur de peau. Une vision du monde qui reste essentiellement magique, un monde plein de vie, de forces fastes ou néfastes. Et c'est le «sorcier» ou la «sorcière» qui agira sur ce monde, à la fois admiré et redouté. Quand on cessera de croire en lui, il ne sera plus qu'un bouc émissaire tout désigné et sera persécuté.
Bien sûr, on est chrétien mais à sa façon, un christianisme intégré dans une vision encore très animiste. Faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier quand même!. Les fêtes religieuses sont aussi des fêtes profanes: danses et jeux de la Toussaint pour apaiser les morts, feux de la St Jean, véritable explosion sexuelle à Noël (une honte !) avec la fête des ânes et des fous où les rôles sociaux sont inversés (un comble!), hystérie collective des carnavals et charivaris. Jeux et fêtes redéfinissent sans cesse l'appartenance au groupe et perpétuent l'état existant en triomphant de la mort.
Inévitablement, une telle culture transmise essentiellement par les femmes, va se heurter à la volonté unificatrice du pouvoir et de l'église. La répression sera systématique.
Il faut battre en brèche la fête des corps, anéantir la vision horizontale et ambivalente du monde populaire pour projeter l'homme vers le ciel dans une vision verticale et dualiste. Après la soumission des corps par l'Etat, la soumission des âmes par l'Eglise…
Mais comment faire ? Vous le saurez dans le 5ème épisode si vous êtes encore de ce monde ou plutôt du monde que je vous ai proposé depuis quelque temps...

mardi 2 août 2011

Corps.






Ces temps derniers, le hasard ( ?) a fait que j’ai rencontré, au travers de documentaires télévisés, de lectures diverses, un faisceau convergent de données concernant le corps et ce qu’on peut bien en faire…

En vrac…
Corps brisés, torturés de Gantanamo.

Corps entassés dans nos prisons républicaines.

Corps cachés sous la burkha.

Corps souillé d’un enfant de Thaïlande.
Corps instrumentalisés des mères porteuses d’Inde ou d’ailleurs.
Corps exposés des cadavres devenus œuvres d’art
Corps réparés, à peu de frais, des touristes médicaux dans des cliniques de luxe.
 Corps rémunérés des prostituées.
Corps encartonnés sur un trottoir d’une nuit hivernale. 
Corps découpés, dépecés,  dés-organisés et vendus à la carte.
Corps étalés, huilés, engraissés des nantis au soleil d’un club Med tunisien.
Corps décharné, pétrifié d’un enfant du Darfour.
Corps fluets des enfants des mines et plantations.

Corps électrifiés, décapités, démembrés, lapidés pour l'exemple.
Corps sacré des idoles vivantes et des dieux morts.
Corps explosés mêlant victimes et terroristes dans un hideux magma.

Corps disséqués, expérimentés des animaux de laboratoire.
Corps massacrés des animaux d’un safari réjouissant.
Corps stressés, compressés, survitaminés, sur-hormonés des animaux de batterie.
Corps repus et affamés, obèses et squelettiques, exploiteurs et exploités, mercenaires et esclaves, adulés et méprisés, désirés et rejetés, corps qui valent des millions, corps qui inutiles et absents…
Une belle palette, très variée, qui pose le problème du corps, de ses droits, le problème aussi du rapport de ce corps à ce qu’on appelle la personne… Sommes-nous maîtres de notre corps, propriétaire à part entière, décideur exclusif de ce qu’il en advient ?...
Existe-il des limites à ce droit inaliénable de propriété ? Si je puis disposer comme je l’entends de mon corps, suis-je autorisé à user d’un autre corps, sous quelque forme que ce soit, si celui-ci est consentant ?
Le corps, irréductible à un simple agglomérat de tissus et de cellules, étant bien plus que cela pour s’élever, esprit oblige, au niveau de la personne, rencontre inévitablement, sur les chemins les plus étonnants qu’il puisse emprunter, cet empêcheur de tourner en rond qu’on appelle l’Ethique…

Voilà un petit patchwork de quelques ressentis éprouvés à mon corps bien défendant… :)
J’y reviendrai plus tard quand j’aurai un peu assimilé le brouet indigeste. A bientôt. Corporellement vôtre… Daniel

mercredi 27 juillet 2011

Vous avez dit spiritualité ? 3ème partie.






Mais revenons ici et maintenant… Les religions s’épuisent, une forme de spiritualité endoctrinée de même...

Mais notre Occident moderne  a d’autres compensations: les nouveaux temples de la consommation drainent des foules conquises aux valeurs matérielles, les cathédrales modernes des grands stades du football réunissent rites, couleurs, drames et sentiments d’appartenance, les dieux du stade ont remplacé les dieux du ciel. On en a des exemples tous les jours….
Les Mecques financières dirigent le monde, les nouvelles idoles du spectacle galvanisent la jeunesse, une jeunesse qui recherche quelquefois le paradis perdu à travers les paradis artificiels pour ne trouver que l’enfer, les salles de remise en forme font du corps un objet sacralisé en soi . Ainsi des espaces “sacrés” se reconstituent pour conjurer les monstres que sont l’ennui et la conscience d’être mortel.  Et, par le biais d’Internet, nouvel outil consacré, se donnent libre cours la quête éperdue de la proximité de l’autre à travers les sites de rencontre où l’on est  si lointain et proche  tout à la fois.  Les nouvelles technologies accroissent le besoin de  l’information immédiate et totale, la nécessité de la satisfaction urgente et souvent virtuelle.

Une quête de l’étourdissement absolu alors que d’autres poursuivent depuis des siècles , par la médiation de la peinture, de la musique , de la littérature, de la poésie ou de la philosophie leur propre chemin difficile et exigeant, jamais atteint,  vers un absolu (jamais absolu) mais qu’ils espèrent toujours un peu plus éveillé et lucide. L’expérience spirituelle est multiple, que celle ci soit d’ordre esthétique, philosophique, mystique, psychanalytique même ou tout simplement humaine et quotidienne quand elle tend vers l’autre. Elle  semble donc avoir toujours besoin d’un vecteur pour se développer, démarches qui souvent s’imbriquent, interagissent chez le même individu. L’expérience spirituelle est complexe, évolutive et nuancée, l’antithèse du statique et du rigide. Elle consiste peut-être à s’élever au-dessus des problèmes, s’affranchir des peurs et des envies pour faire de soi un être plus libre, libéré de l’ego,  désireux de s’améliorer et d’améliorer le monde, en phase avec le Présent. Dans la mesure et la réflexion, sous peine de voir fleurir des formes de sublimation exaltées  et névrotiques comme peuvent l’être les mysticismes exacerbés, les délires sectaires, les intégrismes et les fanatismes de tout bord. La Conscience ne peut  croître qu’avec le sens de la mesure et le recul nécessaire par rapport à nos actes et pensées...
L’expérience spirituelle sous tendue par l’intelligence, la raison et la conscience morale peut aussi avoir besoin d’un cadre, d’un processus, d’outils qui lui permettront de se déployer. Les lectures ne sont pas inutiles mais l’alchimie est interne. Nous en arrivons alors à la quête initiatique qui  consistent déjà à s’ouvrir à soi, à faire émerger la Conscience, à vivre le Présent en plein accord avec soi, les autres et la nature.

Ainsi, dans l’aventure spirituelle, quel qu’en soit le type, l’homme est totalement engagé, corps et âme, car pour moi cette aventure relève aussi bien de l’esprit que du corps, toute empreinte de sensibilité et d’émotion, même s’il faut se méfier de nos réactions trop émotives. Tout l’être y participe. Idées, impressions, sensations, tout est mêlé. Il ne s’agit pas d’un travail de l’intellect pur et il n’est pas besoin d’être un puits de science dans lequel on risque l’asphyxie pour s’engager dans une telle démarche. Lectures et savoir sont là aussi des outils nécessaires à certains moments pour avancer mais pas des buts en soi.

Une telle démarche exige aussi d’être nourrie par le monde, nourrie par l’autre qui n’est pas soi donc différent et enrichissant. Elle implique curiosité, abandon des préjugés, humilité et courage. Je pense ici au Petit Prince et à sa rencontre avec le renard qu’il tente d’apprivoiser, rencontre toute de retenue, de patience, de respect et d’amour finalement. Mais il n’en faut pas moins revenir ensuite et toujours sur soi-même, ne jamais se perdre de vue, rentrer au dedans après s’être risqué au dehors... . Et ceci afin d’effectuer ce voyage intérieur qui va nous conduire à tuer les idées reçues, immoler nos vieilles croyances pour les régénérer en idées neuves, en d’autres manières de voir. Ne s’agit-il pas finalement de s’élever en marchant, de passer de l’horizontal au vertical, de la prosternation à la construction d’un être plus libre, plus autonome, un être qui ne s’agenouille pas devant des images mortes, des statues figées, des représentations qui n’ont que le sens et l’importance qu’on veut bien leur donner. Cet être libéré sait que seul est digne de respect l’homme vivant, debout et libre.
Un homme vivant dans lequel on peut y voir ce qu’on appelle le « divin », c’est-à-dire la Conscience épanouie.
Un divin déboulonné du piédestal de la religion pour tomber dans le champ du laïc. Citons Luc Ferry: “C’est parce que Dieu s’est incarné en l’homme que l’homme doit à son tour devenir Dieu”. Dieu s’est donc sécularisé et laisse le champ libre à un humanisme transcendantal, à la nouvelle sagesse des modernes. Humanisation du divin et divinisation de l’humain qui a vu la mort nécessaire du Père. Même pour la plupart des croyants, il ne s’agit plus tant d’adorer le Père que d’incarner sur terre la morale du Fils toute empreinte d’humanisme et à laquelle on ne peut en soi qu’adhérer. Il nous a fallu tuer Dieu le père, tuer le père tout simplement pour devenir soi avec nos propres re-pères. N’est-ce pas la condition première de toute démarche spirituelle ?

Il nous reste ensuite le plus coriace, tuer l’ego en nous, le museler, faire émerger peu à peu, mais que c’est difficile ! ce qu’on peut appeler l’Etre... Curieusement, la dimension spirituelle grandit souvent lors d’un malheur, la perte d’un être cher, une maladie, comme si le fait de rompre brutalement avec le rythme extérieur et habituel de notre vie laissait une place à une autre vision des choses, plus intérieure, plus détachée…
Mais on a beau lire et théoriser, seul compte l’expérience personnelle qui peut peut-être un jour nous entrouvrir les portes de la Conscience qui nous fait vivre pleinement chaque instant du Présent, en harmonie avec ce qu’on pourrait appeler l’unité, l’Un, la globalité du vivant, cette perception des choses que nous avons perdue et qui était peut-être jadis  essentielle à la nature humaine…. Je ne sais pas. Je m’avance un peu, je me méfie des paradis perdus (c’est encore un piège de l’ego que de nous plonger dans la nostalgie au lieu de vivre le présent…). Peut-être que l’homme est ainsi dès l’origine, dès l’émergence d’une pensée rationnelle et d’un imaginaire ? Il aurait, dès le début,   ressassé, regretté, espéré, convoité, meurtri,  envié, , en fin de compte il se serait dès l’origine auto-illusionné...
S’affranchir, grandir et devenir autonome... à la condition essentielle de ne pas faire de l’homme un nouveau dieu et de l’humanisme laïc une nouvelle religion dogmatique. A nous de réfléchir ensemble à ce que pourrait être la spiritualité de demain, libre de toute attache et surtout… de toute certitude … Bonne route !...


Vous avez dit spiritualité ? 2ème partie.





Imaginons alors l’homme primitif, livré à ses instincts de survie dans un monde hostile et inintelligible. Et qui l’est toujours d’ailleurs… Imprégné d’humanité, il est déjà en quête d’un sens qui lui échappe quand il voit le soleil s’élever chaque jour à l’horizon,  l’orage frapper ou la terre trembler… Et pas un p’tit whisky pour le réconforter… Les besoins du corps assouvis, l’âme ou l’esprit se tend déjà vers une réponse qui ne pourra que lui venir que du ciel. « Nos racines sont au ciel » disait Platon. Voilà qui est peu commode et doit nous faire monter le sang à la tête mais ne contrarions pas le docte philosophe. 
Et peu à peu, les réponses émergent d’un imaginaire porteur de sens, un imaginaire empreint du sentiment du Sacré.. Par essence et par besoin, cet homme se fait religieux au sens de “religare”, comme l’entendait Mircea Eliade, c’est à dire relier à quelque chose. On en a déjà parlé. Il se sent mieux. Ouf !... Il  n’est plus seul, il fait partie d’un monde ordonné où tout lui parle secrètement des choses cachées et sacrées… Et surtout il commence à savoir d’où il vient, le ventre de la mère ne lui suffit plus, les cosmogonies se mettent en place, des récits fondateurs, des Dieux devant lesquels se prosterner.… C’est peu cher payer, au pire quelques douleurs articulaires, pour connaître ses origines, quémander quelques faveurs et s’assurer une place de choix post mortem, par exemple « faire du pédalo sur la vague en rêvant et passer sa mort en vacances» comme disait le grand Georges... Ainsi face à ses peurs, sa crainte de la mort, il édifiera des rituels qui le protègeront mais aussi le grandiront au-dessus d’un temporel fait de glaise pour s’élever quelque peu vers un monde impalpable, celui de l’esprit… Ainsi naquit la dualité...

Corps, esprit et âme: la trilogie sur laquelle se fonde toute spiritualité religieuse est en place.

Conscience, morale, lumière, esprit, âme,  appel du ciel, tout est réuni pour former alors une formidable demande, une aspiration, une attente inassouvie, une tension permanente qui forment un véritable élan vital, spirituel… C’est beau, ça de la « gueule », c’est digne d’un spectacle de Robert Hossein !
 Mais il a fallu que cette élan spirituel s’intègre dans une structure, une organisation, une hiérarchie, en un mot l’ Eglise. Un bon créneau comme on dit qui permettra à celle-ci d’asseoir sur le besoin légitime d’être relié à quelque chose, c’est à dire de donner du sens, un pouvoir temporel et politique jamais atteint auparavant. Et ceci par l’élaboration du carcan dogmatique, l’antithèse même de la quête spirituelle. 
Rappelons ici que la notion de Sacré, qu’il nous faut toujours garder à l’esprit,  n’est pas forcément reliée aux Eglises établies. C’est un sentiment fort chez l’homme, qui, s’il est au coeur des religions, n’en est cependant que le ferment, le terreau bien involontaire sur lequel croîtra la foi et l’endoctrinement. Si on ne peut nier à l’Eglise, au tout début du Moyen Age, la capacité à refonder une civilisation de l’ordre assez malmenée, il faut bien le reconnaître, elle n’en justifiera pas moins les inégalités et la misère: souffrance, péché originel, rédemption ou châtiment éternel sont le lot de chacun. Le Christ a souffert pour nous, la moindre des choses est de lui renvoyer l’ascenseur (pardon pour l’anachronisme mais ça a un côté ascension que j’aime assez): souffrir comme il a souffert pour nous, enfanter dans la douleur, porter sa croix, tendre la joue gauche sous peine d’aller en enfer...

La spiritualité, essentiellement religieuse,  s’est donc ancrée pendant des siècles sur un terrain où raison et foi marchaient la main dans la main, où théologie et philosophie s’interpénétraient pour nous aider à comprendre la place de l’homme dans un univers qui se hiérarchisait par rapport à Dieu, un univers qui ne prenait un sens que par rapport à lui. Il y avait donc un créateur, notre éternel créancier, qu’il s’appelle Dieu le père, Allah ou Jehova,  et de pauvres créatures reconnaissantes et maintenues en l’état.
Cette Eglise doctrinaire et rigide a d’ailleurs enfanté inévitablement des rejets: en son propre sein d’abord, avec le mouvement franciscain avide d’une spiritualité axée sur la pauvreté et l’idéal évangélique et les mystiques ivres d’une relation fusionnelle et personnelle avec dieu. Les mouvements hérétiques ensuite comme la spiritualité exigeante du Catharisme écrasée sans merci. D’autres tendances parallèles ont aussi résisté, l’alchimie et son processus initiatique, l’ésotérisme sous toutes ses formes, le mouvement gnostique, un courant fondé sur les évangiles apocryphes rejetées par les Pères de l’Eglise, et peut être aussi la spiritualité païenne des terroirs profonds ancrée dans ce que les autorités appelaient  superstition certes mais aussi dans les vieux fonds mythologiques romains ou celtiques. Et cela pendant que se déroule le fabuleux roman du Graal mené à terme par un Galaad emportant avec lui, fatalement,  le secret de sa découverte...
 
Plus tard, l’entité divine, par ailleurs Grand Horloger  cosmique, Grand Architecte de l’Univers, Grand régulateur du Chaos, recevra les coups de boutoirs des Grandes Découvertes géographiques et astronomiques du début de la science et vacillera sous l’effet des Lumières. Avec Copernic et Galilée, par exemple, la perspective religieuse du monde est bouleversée. Le tournant est amorcé. Auparavant, lorsque la vie était courte et incertaine, l’église offrait le réconfort et l’espoir de la vie éternelle, lorsque la loi avait du mal à s’imposer, elle opposait la force de dissuasion de l’enfer comme une nécessité. Mais le monde a changé. Notre Occident chrétien tendra peu à peu à chercher  ses voies spirituelles hors des chemins consacrés des Eglises, ce qui est loin d’être le cas ailleurs dans les pays non occidentaux. Il s’est désacralisé au sens où il s’est affranchi du poids des religions. Les Eglises restent fortes là où le terreau de la pauvreté et de la misère leur permet d’ asseoir leur autorité morale et souvent politique à l’exemple des Talibans tristement renommés.


Vous avez dit spiritualité ? 1ère partie






La question de la spiritualité me trotte souvent dans la tête.. On pourrait déjà me dire dès cet instant: « Mon pauvre vieux, t’es foutu ! Si tu laisses envahir ton esprit par la pensées et ses dérives, tu n’es pas près d’arriver au bout du chemin… »

La spiritualité, ça se vit, ça se pratique, me dira-t-on, rien ne sert de disserter sur elle… Certes mais que faire alors quand on est un apprenti spirituel ?  Avoir un peu d’esprit, être spirituel, c’est toujours apprécié en société  mais on ne va pas bien loin avec ça ou s’abîmer dans les spiritueux avec une « gueule de bois » assurée le lendemain et un retour à la case départ sur le chemin de la vraie Spiritualité n’est pas non plus la meilleure des solutions…

Mais trêve de plaisanterie. Un peu de sérieux !...

Comment se conformer à un idéal qui nous semble placé bien haut et dont on connaît mal les pratiques ? On sait faire en théorie la part de ce qu’on appelle l’ego et  l’Etre, mais dans les faits, dans la vie de tous les jours, c’est un autre paire de manches ? …

Chaque sentiment emprunt d’une pointe de jalousie, d’envie, de rancœur, de nostalgie, d’impatience, d’orgueil, etc… serait l’expression de l’ego. Chaque fois que je ne suis pas moi-même, que j’endosse un rôle en quelque sorte, c’est l’ego qui montre le bout de son nez qui n’a rien a envié quelquefois à celui de Cyrano.. . Mais qui n’endosse jamais de rôle ? Et même si je me la joue spontané et détendu, n’est-ce pas un rôle aussi que j’endosse ? Comment en être certain ? Et finalement se poser la question, n’est-ce pas prendre le problème par le mauvais bout ? Si on EST, on EST, un point c’est tout….
Mais pourtant on insiste, on veut comprendre. Chaque acte entrepris, chaque décision prise, chaque pensée tournée vers le passé ou l’avenir sont-ils aussi l’expression d’un ego trop présent ou réellement des actes choisis en pleine conscience et en pleine harmonie avec ce que je suis profondément ? Comment puis-je en être assuré ? Comment me libérer du mental, de cette pensée permanente conditionnée par le passé et qui ressasse, et qui ressasse..., et qui planifie, se tourmente, ne se satisfait de rien ou s’auto-satisfait de tout, ...temporairement, toujours temporairement… ?

Comment échapper à la dualité conventionnelle, aux oppositions bien/mal, vie/mort, ordre/désordre ?… Pour aborder la vie comme un ensemble d’interconnections complexes. Il arrive qu’on ressente pourtant ces fugaces moments de plénitude, de paix, de joie, trop fugaces malheureusement… Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui a lâché prise pour favoriser cet instant ? Peut-être le fait de lâcher priser justement (je vous revoie à un article précédent « accepter sans se résigner »)… Sinon notre vie, surtout depuis qu’elle est sur-informée, tend à devenir un capharnaüm, un vaste espace encombré par le matériel, u empilement de choses à faire, à penser, à prévoir… Le règne de l’objet et d’une pensée au service de l’objet…

La difficulté est bien là: arrivé à ce stade, on a conscience qu’on ne doit plus se laisser mener par l’ego, on est conscient d’une certaine folie du monde dans lequel on vit et pourtant on est bien incapable  d’atteindre un niveau suffisant de Conscience… L’impression, du moins est-ce mon cas, d’être entre les deux,  dans un no man’s land, entre prise de conscience, certes, mais bien loin d’être au bout du chemin...

L’expérience spirituelle semble un chemin pavé d’idéal et de réalité qu’il nous est extrêmement difficile de concilier pour marcher sans faux pas, éviter de trébucher, un chemin dallé de certitudes et de doutes, l’un nourrissant l’autre, et qu’il nous faut équilibrer pour éviter la  chute…

Quête d’une relative harmonie, fragile équilibre entre l’instinct primaire et la conscience morale, effort d’élévation perpétuelle, en toute humilité, de notre propre niveau de conscience dans un souci constant de perfectibilité. Telle est la voie spirituelle que tout homme devrait avoir en charge.

Voilà qui est dit !…  ça, c’est l’idéal, digne d’un maître du Tao. On va redescendre sur Terre parmi les pauvres pécheurs.

Pour le commun des mortels dont je suis, qu’il est ardu de trouver les moyens de se frayer un chemin vers un peu de cette « lumière » car ce chemin est d’abord  une traversée de la nuit, des ténèbres, de l’ignorance et du doute .

Mais avant de nous pencher sur les splendeurs et les misères de notre humaine nature, je vous propose de  faire un petit tout en arrière de quelques milliers d’années… dans un 2ème épisode qui suivra bientôt pour revenir à notre propos d’origine dans un 3ème et dernier épisode encore plus palpitant...