... et aussi le simple plaisir d'écrire.

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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...
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jeudi 14 novembre 2013

Le "mythe identitaire" Episode 5. La "sorcière"... inventée.




Mais comment faire ?
On va donc inventer purement et simplement une anti-religion organisée, une religion satanique pour mieux cristalliser, par opposition, l'image de Dieu. Une pure invention des théologiens et des juges !... Des traités très sérieux de démonologie seront écrits pour théoriser et mettre en place des pratiques que nous trouverions aujourd'hui révoltantes ou incongrues. .
Quoique … Bush et l'Irak par exemple étaient encore bien loin mais la ficelle des fausses accusations construites de tout pièce pour justifier ses actes était donc déjà bien connue… Diaboliser l'ennemi … Quant à Satan justement, il a encore de beaux jours devant lui: ne distingue-t-on pas encore aujourd'hui l'Axe du Mal pour certains et le Grand Satan pour d'autres ?
Mais je m'égare ou plutôt j'anticipe sur les derniers épisodes... Revenons à nos moutons ou plutôt à nos démons.
Au cours des procès, les témoins ne font, en premier lieu, aucune allusion à des pratiques sataniques. Ils évoquent, au premier abord (avant qu'on leur chatouille les pieds ou mieux qu'on les expose au-dessus d'un lit de braises), seulement des rites, des maléfices, des sorts, attirail coutumier, ancestral du guérisseur de village. Mais, après un interrogatoire un peu plus musclé, (je vous passe les détails par respect pour les cœurs tendres qui me lisent peut-être) comme par enchantement, les allusions à Satan deviennent claires et nettes !… Des pratiques coutumières bien inoffensives, mais dans la bouche des juges et dans les compte-rendus de procès, irrémédiablement reliées à Satan… Ce cher Harry Potter n'aurait pas fait "long feu" à l'époque ainsi que son auteur.
La sorcellerie alliée du diable est une pure invention de l'accusation pour mieux vaincre la culture populaire à travers sa figure archétypale, la guérisseuse devenue «sorcière»… D'ailleurs, n'y voyait-on pas la marque du démon lorsque l'on trouvait sur la malheureuse une cicatrice ou un grain de beauté qui décidément «sentait trop le soufre» ? Et dans cette bonne cité d'Allemagne, lorsqu'on jetait à l'eau «l'âme damnée» ligotée et enfermée dans un sac, ne voyait-on pas que Dieu lui donnait tort ... puisqu'elle ne survivait pas !… Justice expéditive et imparable. Avec «God on our side» (disait Dylan), on n'a jamais tort…
Prenons un exemple type : le procès de Nisette, jugé à Vieil-les-Hesdin dans le Nord en 1573. La «sorcière» est souvent une vieille femme, pauvre et seule, illettrée, déviante sexuellement (3 époux !), déviante socialement (3 mariages dont 1 avec un étranger au village qui devait habiter au moins à 30 km ! La pire des choses...), marquée par le malheur (perte d'enfants) et guérisseuse (elle sait utiliser les plantes). Tout pour plaire...
Le stéréotype de la «sorcière» présente donc l'inverse des nouvelles valeurs sociales: elle propage la vieille culture. Il n'y a qu'un pas pour qu'elle devienne l'exutoire, le bouc émissaire désigné par les villageois les plus riches avides de correspondre aux nouvelles normes (pensez à notre cher "bourgeois gentilhomme") ou ceux qui culpabilisent de ne pas pouvoir adhérer pleinement au nouveau modèle imposé, faute d'un magot assez garni. René Girard a beaucoup écrit sur ce désir mimétique, le désir de désirer ce que l'autre désire, et le processus qu'il engendre pour apaiser les conflits, la mise à mort de la « victime émissaire »...
De plus, la «sorcière» est souvent une femme donc dangereuse par nature (Eve est passée par là) et elle est veuve donc doublement dangereuse car libre et réputée insatiable sexuellement (capable d'absorber l'énergie masculine de ces pauvres messieurs non consentants!).
En dénonçant la sorcière, on se démarque: elle focalise sur sa personne les peurs, les doutes, la mauvaise conscience. Un bon bûcher bien visible prouve aux autorités qu'on est bien dans la ligne espérée. On réchauffe aux flammes sa conscience frileuse, les braises encore fumantes des corps consumés sont la preuve que nous sommes du côté des «bons», les dénonciateurs, les conformistes, les "modernes"... On a l'impression d'avoir déjà entendu cela il n'y a pas si longtemps … sous Vichy par exemple.
Et n'oublions pas que la malheureuse, torturée par le « séculier» (le clergé se contente des procès), voit son âme ainsi sauvée au dépens bien sûr de son corps calciné. On ne peut pas tout avoir. Le bûcher est donc un acte exemplaire pour le peuple (voilà ce qu'il faut renier !) et un acte de piété et de salut (paix à son âme !)...
On a pu distinguer 3 types de situation:
-Dans les communautés en évolution, là où les riches laboureurs commencent à dominer, là où les laboureurs de condition moyenne diminuent, les tensions sociales sont fortes. Il y a persécution.
-Quand le processus de domination est accompli, les riches laboureurs règnent en maîtres. Pas de chasse aux «sorcières». Les boucs émissaires, les bûchers sont inutiles.
-Quand il n'y a pas de riches laboureurs, seulement des laboureurs moyens ou petits paysans, les tensions sont moins vives. Pas de dénonciations…
Il y a donc dénonciations tant que les reclassements sociaux et mentaux ne sont pas stabilisés.
Ainsi le monde rural a résisté longtemps à l'intrusion d'une vision du monde étrangère et coercitive. A la fin du 17ème siècle, la chasse aux sorcières s'arrête. Elle n'a plus de raison d'être. La paysannerie est soumise, du moins en apparence. Bien sûr, il y aura encore des révoltes paysannes, souvent contre l'impôt. Les fameux « bonnets rouges » fort en vogue en ce moment par exemple ...
Mais des processus mentaux irréversibles se sont imposés même si des poches de résistances subsistent. Nous les mettrons à jour bientôt dans notre prochain épisode si vous le voulez bien.

jeudi 21 juillet 2011

Emportés par la foule ...






Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Écrasés l'un contre l'autre….
On a tous plus ou moins en tête cet air entêtant qui, sous ses aspects dramatico-romanesques, exprime assez bien les effets paradoxaux que le nombre peut avoir sur l'individu.
Je me souviens d'expériences négatives, tout à fait banales en soi, au cours desquelles l'on se sent isolé, perdu, au milieu d'une foule qui ne nous voit pas, nous ignore… Ce que l'on ressent alors, d'autres au sein de la même foule le ressentent certainement aussi fortement. Chacun se vit alors comme une partie anonyme d'un grand tout qui n'a que faire de chacune de ses parties. Ce que nous vivons alors, et qui est plus ou moins ressenti selon les individus, est ce qu'on pourrait appeler l'indifférenciation. Tout le monde sur le même plan, dans le même anonymat… Le cas extrême étant les cohortes fatiguées et un peu comme hypnotisées des utilisateurs quotidiens du métro. Nous sommes innombrables et au même instant immensément seuls, isolés dans notre espace vital réduit à sa plus simple expression, le coude à coude…
L'indifférenciation, l'horreur pour tout individu toujours plus ou moins narcissique !… Ce que nous appelons notre ego en prend un sacré coup et cela peut se traduire par des attitudes affectées, indifférentes mais qui recèlent un profond malaise plus ou moins conscient. Car l'ego ne peut se satisfaire de telles situations… L'image de l'autre nous renvoie notre propre image dévaluée à nos yeux. C'est la temps de l'isolement, du ressentiment, de la récrimination...
Je me souviens aussi d'expériences positives, au sein d'une foule où, bien loin de me sentir mal à l'aise, je me sentais en phase, lors d'une manifestation ou d'un concert, par exemple… Nous sommes pourtant dans le même anonymat, la même indifférenciation mais plane au-dessus de chaque tête un lien collectif qui rassemble. On se sent en phase… On agit dans le même sens, on est là pour le même but, on partage les mêmes valeurs. Indifférenciation peut-être mais chacun se reconnaît dans l'autre et s'inter-valorise d'une certaine façon en se renvoyant une image positive puisque c'est aussi la sienne. L'ego de chacun est alors satisfait et le tout peut former un immense ego collectif auto-satisfait. C'est le temps de la communion, du partage, du sacrifice…
Mais cette même « communion » dans un ego collectif, que l'on peut constater au niveau d'un peuple, d'un état, d'une religion, peut aussi avoir des objectifs moins innocents que de s'asseoir dans l'herbe devant un groupe de musiciens qui s'éclate… Les buts peuvent être aussi la violence, le fanatisme, la guerre, la domination… Le nombre communie alors dans la même ferveur, animé par ce qu'on appelle l'égo qui fait penser qu'on ne peut avoir tort ou qu'on ne peut qu'être des victimes en droit de se venger…
Domination ou victimisation à l'échelle d'un groupe sont les deux faces de la même médaille: une surévaluation de son « moi » collectif érigé par un mental qui oublie tout simplement d'être en soi…
Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas réagir, se défendre, lutter mais en essayant d'avoir une conscience plus éclairée de ses actes, en essayant de ne pas tomber dans les pièges de la surévaluation de soi au point de devoir s'inventer ses propres justifications… N'est-ce pas Mr Bush ?
Nous savons tous comment une foule peut se comporter comme aucun de ses composants pris séparément ne se comporterait. Une foule peut s'exalter, perdre le contrôle, comme une sorte d'entité monstrueuse animée d'une énergie propre…. Et se retourner contre une minorité désignée coupable parce que différente. A plus grande échelle, une nation peut se comporter d'une manière qui serait jugée quasi psychotique chez un individu.
J'y reviendrai plus tard mais citons simplement René Girard et ses recherches sur le thème du bouc émissaire (« La violence et la sacré », « Le bouc émissaire »). Il explique que l'ordre social est fondé sur la différence, à chacun sa place, sa fonction. Le désir mimétique (vouloir avoir ce que l'autre possède, pas forcément des biens matériels, faute de pouvoir être lui) met à mal cet ordre social : lorsqu'un certain seuil d'indifférenciation est atteint, il conduit à la violence et menace de détruire la société. Pour René Girard, la société moderne vit une crise d'indifférenciation généralisée : fin de la différence entre les peuples, les classes, les rôles, les sexes... Le bouc émissaire (l'étranger, l'immigré…) servira à canaliser le désir mimétique et la violence qu'il entraîne. Il va permettre de transformer cette violence interne en une violence de « tous contre un » fondatrice d'une nouvelle paix sociale. Le sacrifice du bouc émissaire va arrêter la crise, temporairement….
Jadis, devant la peste noire, l'indifférenciation régnait en maître. Tout le monde était égal devant la mort. Les juifs en payèrent le prix… Quand les « classes moyennes » de la fin du Moyen Age voulurent se singulariser, se différencier de la masse populaire, on commença à dénoncer les « sorçières »…
Idem dans la grande crise qui précède la montée du nazisme en Allemagne….
Dans un internat, l'indifférenciation est totale. Qui a été interne connaît très bien le processus du bouc émissaire… Idem dans les cours de nos écoles, où les identités encore floues se cherchent, se construisent au détriment des minoritaires différents de la masse, ayant souvent des caractères extrêmes, le plus faible ou le plus fort, le plus laid ou le plus beau, le plus gros ou le plus maigre, le plus pauvre ou le plus riche, etc...
Identification à un groupe (nation, parti, secte, supporters, etc…), perte ou exaltation du moi dans l'élan collectif, chacun cherche ses stratégies. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'à partir du moment où l'on ne se constitue, au sein d'un groupe ou non, que par opposition à autrui, à un autre groupe, on risque l'impasse….
Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Écrasés l'un contre l'autre….