... et aussi le simple plaisir d'écrire.

Qui êtes-vous ?

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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...
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mercredi 3 août 2011

L'atelier.




Le temps des expos est terminé,... pour quelques mois. Il faut reprendre le chemin de l’Atelier. Vous me direz peut-être: pourquoi cette injonction ? Il faut que .... Ce devrait être facile, aller de soi, couler de source. Eh bien non ... Ou il faudrait ne jamais s'arrêter, créer dans un perpétuel mouvement, ne jamais sortir de cet état étrange, de ce qu'on nomme le processus de création.

Evidemment, c'est subjectif. Le cas de l'un n'est pas le cas de l'autre. Mais pour ma part, créer est un joie immense et une douleur  lancinante à la fois. ....
Voici le processus si cela peut intéresser certain(e)s… Au-delà de mon petit cas personnel, on peut y voir le problème de la création en général et du processus vital en très général…..... ....
Commençons par un présent dans la passé: la maison baigne dans un silence paisible et nocturne. Tout le monde dort…Il me faut toujours passer par là pour (re)commencer. S'isoler, s'imprégner, se mettre dans le bain, comme on dit. ....
C’est l’heure propice où l’on se retrouve seul face à la toile blanche, un futur autre soi-même, miroir sans concession. On ne s’y voit pas, on est censé y projeter ce qu’on  y voit, ce qu’on voit  en soi, et le retranscrire par une technique et des matériaux divers. Là est la difficulté: on pressent, on voit un schéma mental qui s’organise, ça y est ! On le tient… et le résultat déçoit bien souvent. La transmutation peut ne pas s’exercer. .... ....
Car pour cela, il faut certaines conditions. Il faut rentrer dans l’Atelier et pouvoir poser ses valises lourdes des peines et  soucis quotidiens…
Mais je m'égare. Reprenons ! La maison baigne dans un silence paisible et nocturne. Tout le monde dort… ....
La seule source de lumière provient de l’Atelier, un spot anachronique par son enveloppe métallique dans un monde immobile, en suspens... Car ici, tout semble hors du temps, des livres qu’on aime entasser à perpétuité après les avoir savourés, des objets du passé un peu passés, des photos qui témoignent d’une heure à part, des toiles anciennes appuyées face au mur comme punies d’avoir été, une table basse supportant palette, tubes, médium, couteaux et pinceaux, bric à brac et outillage de base, matière brute d’une rusticité déconcertante au temps de l’art digital. Le chevalet et la toile vierge … qui attendent. Et pour donner du cœur à l’ouvrage un cd de « My Dying Bride »… Hum ! Mise en condition pleine de frissons pour un saut dans les profondeurs. .... Une autre fois, un p'tit Pink Floyd, plus léger et aérien. Cela dépend de l'humeur du soir.
Les sentiments ambigus commencent à émerger.  Angoisse et excitation.Vais-je ressentir ce plaisir à créer, mis entre parenthèse pendant un temps, et pourtant toujours si présent ? Sans lui, impossible de continuer, de supporter les longues heures de labeur, de dépasser les doutes et les difficultés techniques..... Mais il faut se détacher, s'abstraire des contraintes matérielles et laisser parler l'Imaginaire. Difficile. Tout est là, un magma d'images rencontrées dans la vie réelle, photographiées au hasard des promenades, dans le rêve, dans l'Art des autres (cinéma, photo, peinture ...), un bouillon de culture comme dirait l'autre, de mots lus et relus, issus d'oeuvres les plus diverses (SF, fantastique, littérature anglo-saxonne, scandinave, russe) mais aussi en toile de fond, le substrat biblique et mythologique ... Que faire de tout cela ? Comment l'ingérer, le digérer, sans le retranscrire tel quel ? Comment en faire une création personnelle pourtant induite de tout ce contenu cérébral ? Comment dire, exprimer autre chose tout en sachant qu'on ne fera que répéter éternellement la même chose ? .... Difficile d'oser une telle entreprise.
On en revient donc au désir et à la dose de nécessaire Illusion qui met tout en œuvre. Le désir, le levier de toutes nos actions, l’envie, la motivation, l’aspiration… Sans le désir, même si l’Illusion le mène par le bout du nez, rien n’est possible. Pourtant, il ne va pas de soi, on peut le perdre, l’égarer, s’en détacher… On peut lui courir après, vainement… Il peut se faire désirable...  Mais il ne suffit pas de vouloir désirer pour désirer. Comment expliquer alors ce jeu du chat et de la souris avec cet élan essentiel, le moteur de la Vie qui devrait aller de soi ?....... ....
Il met arriver de perdre ce désir, bien souvent… Celui d’œuvrer pour le plaisir, pour la chose en soi, l’acte de peindre. Et même celui qui tend vers un but, indépendamment de ce qu’on ressent en agissant. Ce qu’on appelle, pour faire savant, la motivation intrinsèque et extrinsèque.
Mais soyons sérieux. Quand agir nous coûte, que le plaisir a disparu et quand rien ne se précise à l’horizon,  la mélancolie, l’apathie, voire la dépression guettent… Pourquoi cette sombre éclipse de la motivation ? Usure, déception, fatigue, douleurs, absence de sens ? Certainement un peu de tout, agrémenté à la sauce de l’aigreur, un peu aigre-douce forcément,  faite de ressentiment, de récrimination, de sentiment d’injustice, de la faute à « pas de chance » ou à la société…. Le cercle vicieux s’est mis en place: plus on souffre, plus on se plaint, moins l’on a envie d’agir et moins l’on agit et plus l’on souffre…. La douleur pouvant même servir de prétexte inconscient à ne pas agir…. Si si !...
Cet élan est en nous, dès la naissance certainement, l’appétit de vivre… Mais il puise et accroît certainement sa force dans la petite enfance, le modèle parental qui nous imprègne… ou l’absence de modèle: on peut être motivé par la rage !... 

Mais je m'égare encore. Incorrigible !...
Fermons donc la parenthèse du (non) désir. Dans les moments de doute, c'est souvent un poème de Marie-Ange Pigot qui m'inspire et je lui dois beaucoup, à Marie-Ange et à sa poésie en général… On y parle de souffrance, de destin, d’aspiration spirituelle… La tâche n’est pas simple: saisir l’essentiel sans simplement illustrer, s’imprégner, assimiler et extirper autre chose qui est pourtant le même... Extraire la peinture des tubes un peu durcis, lui redonner lumière mouvement, travailler la pâte et trouver la couleur espérée… On a peur mais le plaisir revient toujours, mélange d’espoir, d’attente, de tension, d’exaltation fugace …. Et la joie profonde de voir l’objet tant imaginé avoir enfin pris forme, mélange de matériaux et d’idées, de matière et d’esprit….
On prend du recul, on s’assoit, on boit un ricoré et on fume une petite roulée (petit péché pas très mignon mais tenace), on est satisfait… pour un temps.....

mardi 2 août 2011

Réflexions sur un (et dans) un crâne.




Les peintres classiques aimaient bien agrémenter leurs « natures mortes » d'objets symboliques qui souvent rappelaient les 5 sens. Les Anglais les appelaient « still life », un point de vue légèrement différent...
On y trouvait aussi souvent glissé entre une pomme bien mûre et un homard  fraîchement capturé, un crâne qui était censé nous rappeler notre rude condition de mortel. On appelait aussi ces petis chefs d'oeuvre des « vanités ». Sur ce tableau du 17ème, pas de homard mais des objets, de l'argent nous rappelant notre vain attachement aux choses de ce monde...
 « Vanité des vanités, tout n'est que vanité... »  S’ouvrent alors  les orbites fixes et profonds du crâne. Notre regard s’arrête  dans cet autre regard, vide... Il fut ce que je suis et je serai ce qu’il est. Etrange tête à tête, presque complice. Etrange jeu de miroir où tout observateur peut se reconnaître, quel qu'il soit, dans cette structure identique qui protège ce que nous avons de plus secret et de plus divers pourant...
Symboles de mort, de la mort en face, ou face à face avec la mort, vacuité du monde où tout vit et meurt, l’enfant en l’adulte et chaque heure passée en chaque heure présente...
Quand on pense au temps passé pour certaines ou certains à “se ravaler la façade”, à choisir une nouvelle coiffure, une nouvelle couleur de cheveux qui ne sera jamais celle que l’on voulait vraiment ! Certains même vont jusqu’à se reblanchir les dents mais que reste-t-il de nos illusions, face au crâne, face à notre devenir à tous, irrémédiable ?...
Aussi que de souffrance endurée,  d’énergie dispensée à analyser, interpréter, gérer ce qui se passe dans notre esprit, notre crâne ! On se “prend la tête”, comme on dit, et cela me rappelle certaines expressions: mets toi bien ça dans le crâne !  - mais qu’est-ce-qu’il a dans le crâne !.
J’y vois là aussi comme un clin d’oeil de la nature. Dans l’être-matière, tout disparaît, sauf le crâne, imputrescible, qui subsiste comme un rappel, un peu éternel. Les hommes préhistoriques ou notre chère Lucy nous ont souvent légué leurs crâne.
Objet double, évoquant l’origine (quand le bébé apparaît s'il n'en fait pas qu'à sa tête !) et la fin, la matière et l’esprit, la présence et l’absence... devant lequel, et pour cela, il est si difficile de réfléchir. On reste souvent, dans la contemplation du crâne,  au niveau de la sensation, rien d’intellectualisé, rien de métaphysique, plutôt dans une sorte d'hébétude. Comment cela peut-il être que cela soit aussi une part de moi ? La réflexion tourne en rond, sur elle même. Le crâne, à la fois vie et néant, semble contenir questions et réponses. On tourne autour du crâne comme on tourne autour du pot, ne sachant par quel bout l’entreprendre...

Pour prendre du recul, j’ouvre alors mon dictionnaire, pas celui des symboles mais mon dictionnaire tout bête du certificat d’études et je peux y lire ceci:

“Cavité osseuse qui contient l’encéphale, siège de la pensée. Assemblage de 8 os, de forme ovoïde, unis par des sutures, des espaces membraneux non ossifiés, les fontanelles. On distingue la voûte crânienne bombée dont le sommet est le vertex et la base creusée de trous pour le passage des nerfs crâniens, moelle épinière, artères et veines irriguant le cerveau”. Fin de citation. Il est remarquable, qu’à la lecture de cette définition des plus neutres, objective, au style très “encyclopédique”, on puisse y trouver des mots qui sont aussi symboliques: cavité, voûte, ovoïde, encéphale et pensée... Comme si l’objet matériel était, dans son essence même, déjà puissamment symbolique...


Certaines réminiscences surviennent.

Sommet du squelette, impérissable, siège de l’âme et de l’esprit,  à l'image de la caverne, on lui a voué un culte. Principe actif, de force, de vie, il peut devenir trophée. Et s'accaparer le crâne d'un ennemi ne peut jamais faire de mal...
Au sommet du corps, en forme de coupole, il semble comme le ciel du corps humain. La tête sanctifie donc le lieu où elle est enterrée. Le corps, simple charpente, est secondaire mais la tête fait le lien avec l’au-delà, avec nos origines. Détentrice du principe de vie, elle devient un maillon dans la vaste chaîne humaine.  Les alchimistes, experts en la matière,  s’en serviront d’ailleurs pendant les opérations de transmutation et n’est-il pas plus belle image que celle d’Orphée, décapité par les femmes de Thrace, et dont la tête, attachée à la lyre, donnera naissance à la poésie...
Des correspondances verticales s’établissent ainsi entre le cosmos, la nature, et l’homme. Ciel et Montagnes sont sacralisés...Les yeux sont associés aux étoiles et le cerveau au nuages.
Symbolisme de la colonne qui relie le haut et le bas, le divin et l’humain. La colonne vertébrale, affirmation de soi, est alors pierre dressée vers le ciel, axe du monde, arbre de vie, support du monde.  Au sommet de la colonne vertébrale, le crâne, siège de la pensée, est aussi image de l’esprit divin, comme le ciel supporté par l’axe du monde.

Voûte et ciel... Caverne et montagne... Les deux extrémités du monde condensées dans un crâne éclairé par la lueur vacillante d’une bougie...


Témoin muet, objet imputrescible préservé à jamais de la corruption, en marge désormais du cycle éternel de la vie et de la mort, le crâne nous suggère-t-il autre chose ?  Qu’il est tout cela, peut-être, et bien plus encore, plus que l’être anonyme disparu. Une somme, une synthèse de tous les morts des millénaires écoulés. Et surtout, un révélateur, un catalyseur d’une symbolique complexe et multiple.


Dans un tableau du peintre Poussin, le crâne, perché sur un tombeau, ne dit-il pas au passant: “Moi aussi, comme vous, j’étais en Arcadie.” ? Ne nous demande-t-il pas alors  de réfléchir sur nous-même et notre propre existence, de  réfléchir et d’entreprendre l’aride, et pourtant salutaire, introspection ?...
Au delà du miroir, pénétrons alors dans les tréfonds de l’espace crânien, laissons l’esprit vagabonder et, du néant, de ce que je croyais la mort, naîtra peut-être, la lumière éclatante, la vie de l’Esprit retrouvée...

 je contemple, de l’extérieur,  le crâne, caverne miniaturisée, tout en étant moi-même enveloppe, réceptacle, caverne de ma propre pensée. Le crâne devrait, s'il jouait pleinement sa fonction que l'artiste veut lui faire jouer,  être finalement un guide, un intercesseur entre ce que je suis et, plus conscient de ma finitude et de la vanité des choses, ce que je pourrais être.... C’est-à-dire une réflexion sur la mort qui est prélude à la  naissance d'un autre  moi-même, plus spirituel, débarrassés des oripeaux de l’ancienne condition, préjugés, dogmes et passions, attachements inutiles et vains. Le crâne est bien alors le creuset de l’alchimiste d’où naîtra la transformation. Il symbolise bien sûr la mort, le temps mais aussi l’esprit renaissant et la constatation lucide que, durant toute notre existence, nous passons sans cesse par des alternances de petites morts et de naissances annonciatrices de nouvelles vies. Mourir à soi-même, en soi-même,  pour pouvoir renaître autre. On peut citer ici Laurent de Médicis quand il parle de l’amour du beau et du bien: “ Quiconque vit pour l’amour est conduit à la mort car quiconque vit pour l’amour doit mourir d’abord à tout le reste.”. Finalement regarder la mort en face n'est-ce pas aussi, une fois les premiers moments de peur viscérale dépassés,  se consolider, se modifier, s’harmoniser.
Et c’est le crâne qui, d’une certaine façon, dans la brutalité même de son apparence, déstabilise et permet cette perception  plus affinée. Les deux orbites sont alors comme des petites fenêtres qui s’ouvrent sur l’éternité qu’elles renferment. Et c’est par la mort, son image symbolique du moins, qu’on peut s’affranchir de l’espace et du temps, aller à la rencontre d’une mémoire collective, de tous les morts passés de l’autre côté du miroir, et d’une certaine façon, aller à la rencontre de sa propre mémoire, de son moi profond, revisité et reconsidéré. C’est la connaissance qui sauve: me connaître, c’est me comprendre, me saisir comme objet distinct et distant, face au crâne, afin d’être rendue à moi-même, revenir à soi... Une vérité simple et nue mais brutale comme le crâne qui me fixe et me mène, d’un regard vide, au plus profond de l’être.

Ci-dessous, un détail d'un tableau que je n'ai plus et dont j'ai égaré la photo de l'oeuvre en son entier. Mais qu'importe ! Tout n'est que vanité...  

samedi 30 juillet 2011

No man's land.




1ère publication: 25/03/2009

Je me suis absenté un bon moment… Une escapade imposée dans un no man’s land qui est le terrain privilégié des gens (très) matures. Le bout du monde pour la plupart d’entre vous… Je veux signifier par là le temps de la mise en retrait… La retraite… Le temps d’un souffle est passé et ce qui me semblait, quand j’étais enfant, relever du domaine de la S.F., une époque improbable, ce qui me semblait faire partie de la vie des autres, des anciens, et ne pouvoir jamais me concerner, est pourtant bien là, à la fois attendu, la fatigue et la lassitude du travail aidant, et inopportun, déroutant… Au sens propre du terme, comme si l’on vous sortait de la « route » commune… Avec l’impression diffuse d’entrer dans le futile, fut-il inéluctable…
Mais cela sous-entend que l’avant fut d’importance... En quoi puis-je en être sûr ? Cela sous-entend que l’après est d’un degré inférieur à ce qui le précéda… Ce sera à moi de le démentir ?

J’étais enseignant. On cesse tout à coup ses activités , on perd brutalement ses pairs et ses repères. On est soudainement libre et seul. Notre identité sociale s’effiloche...
Certains disent qu’ils n’ont jamais été autant actifs que pendant le temps de la retraite. Etrange paradoxe que de battre en retraite et d’être sur le front de l’activisme...
Pour ma part, mais c’est encore tout récent, la période, sans être un semblant de Bérésina, est propice au doute, au repli (mais en rangs serrés et la tête haute). Besoin de solitude…. Why not ? Mais la question qu’on se pose est: jusque quand ?...
Certains « travailleurs et travailleuses » disent m’envier mais sont-ils prêts à céder quelques années de leur jeunesse contre quelques années de retraite « paisible » incluant le poids des ans… On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre dit la sagesse populaire… :)
Pour ma part, l’identité sociale ne se résumait pas au seul statut d’enseignant. Pas de retraite pour l’artiste… Ouf !… On me répète comme une litanie « Veinard, tu vas pouvoir peindre comme tu veux, quand tu veux… ». Mais, à près avoir pesté toute ma vie contre le manque de temps qui me privait de peindre en toute liberté, aujourd'hui que cette liberté est (presque) totale, je me sens impuissant, neutralisé, inhibé... Le chevalet du peintre est devenu chevalet des supplices. Avec l'impression peut-être que l'obsession de l'Art m'a détourné des vrais et simples plaisirs de la vie...

Or le temps de la retraite nous met face brutalement au réel, à la vie quotidienne… Il faut coûte que coute s'y ancrer et y trouver des raisons de la trouver belle. A force d'avoir trop voulu la magnifier, ou la fuir diront certains, dans un Art (la face rêvée de notre réalité) qui nous paraissait essentiel, je me demande s'il ne faut pas un jour en payer le prix... Le jour où l'art nous fait défaut et que la vie s'impose à nous, sans contrainte, donc nue, et qu’il nous faut alors l’habiller de nos désirs, de nos nouvelles habitudes, de nos béquilles (au figuré et ... au sens propre le plus tard possible), de tout un corpus d’activités où, espérons le,
l’être ne se noiera pas dans le faire mécaniquement accompli...
Il s’avère alors urgent de trouver en soi les ressources qui vont nous permettre de ne pas simplement vivre pour vivre, trouver les ressources d’oublier que l’essentiel de la vie est derrière, estimer que ce qui fut vécu peut être un avantage, le support d’une expérience qui permet de mieux appréhender un futur qui rétrécit comme peau d’amertume, mais admettre aussi que ce qui fut peut être un terrible handicap, le poids accumulé des désillusions passées… « Il y a pourtant tant de choses à faire !… » me dit-on. J’en conviens et certaines de ces « choses », je les ai pratiquées pendant les beaux jours de ma vie active… puis laissées sur le bas côté. Manque de constance ? Excès de lucidité qui me fait percer à jour les vrais motivations des gens ? Attitude négative qui me fait toujours percevoir « le mauvais côtés des choses » ? Si je mélange tous ces ingrédients pour en faire une pâte homogène à laquelle j’ajoute une bonne dose d’agnosticisme et que je laisse reposer, il y surnage encore quelques bulles de confiance en l’humanité… Une humanité plutôt ratée et dont le grand chef devrait en revoir la recette s’il lui prenait l’envie de réitérer. Dieu nous en préserve…
La peinture pour ma part, l’Art en général pour beaucoup d’entre nous, fut donc une cuisine de substitution que je tentais de maîtrisais tant bien que mal. J’y mettais mes propres ingrédients pour mieux digérer le brouet souvent indigeste que la vie dès l’enfance nous a obligé à ingérer… C’est peut-être en cela qu‘il est libérateur tant qu’il ne devient pas obsessionnel sinon l’oreille coupée et le verre d’absinthe ne sont jamais loin… Quand on demande à un artiste comment il procède, il nous répond souvent « je fais ma p’tite cuisine... » . Cuisine de la pâte qu’on mélange, du trait qui hésite, du couteau à peindre qui racle, de la toile vierge qui nous désespère… Cuisine des émotions troubles qui ne veulent pas prendre forme, recettes toutes faites dont il faut s’affranchir, cuisine de l’âme...
Flash back: j’ai écrit ci-dessus « Avec l'impression peut-être que l'obsession de l'Art m'a détourné des vrais et simples plaisirs de la vie… » Comme si cela avait pu dépendre de moi, comme si cela avait été un choix délibéré… Notre vision du passé, lorsque l’on se retourne vers lui, se pare d’un libre-arbitre bien illusoire qui n’existait pas en son temps (si j’avais su !…) … Rien à regretter donc. Il en fut ainsi et si je devais renaître dans la même peau, avec le même esprit, il en serait de même. Foutu Samsara, il me fera recommencer à zéro puisque je n’ai pas progressé ... :)
Inutile de regretter quelque chose qu’on fut incapable d’accomplir et que l’on sacrifia sur l’autel de la création artistique. Quoi que fût le moteur à la source de toute cette énergie et qui s’emballait régulièrement (compensation, sublimation, etc…), impossible alors de couper le contact… Dans les moments les plus intenses, on n’est pas loin, me semble-t-il, d’un état d’addiction. Et lorsque le doute s’installe ou que l’inspiration nous nargue, un état de manque psychologique nous pénètre insidieusement car le besoin impérieux de créer subsiste…
Aujourd’hui ce désir même semble en berne, le manque est donc d’un autre ordre… Moins brutal, moins intense. Il s’agit moins d’un manque d’inspiration toujours possible comme par le passé que d’un manque des sensations, des plaisirs, des bonheurs connus dans l’acte de créer… Comme un manque qui s’appellerait nostalgie… L’inspiration est là, les idées sommeillent mais vivotent, c’est la force de les mettre en forme qui semble éteinte. Un peu comme une mère épuisée ou sans illusion sur l’avenir de l’enfant bien vivant qui n’attend que le bon de sortie...
Quelque chose est peut-être mort à jamais… Cette énergie intense de la jeunesse en pleine création, une énergie forte des longues années à venir et qui soulèverait de montagnes… Elle peut cependant, je l’espère, revenir me surprendre, au détour d’une toile vierge, certes assagie, plus mature, mais quémandeuse d’un résultat que j’espère pouvoir atteindre…
Sinon il me faudra bien en venir « aux vrais et simples plaisirs de la vie » pour en arpenter les derniers chemins… Aller se promener, écouter de la musique, apprécier d’être encore de ce monde, aller se promener, faire des courses, jouir de la bonne santé du temps présent, aller se promener, marcher, marcher, marcher…. pour ne pas finir pétrifié sur place mais … au risque de se mouler dans des habitudes lénifiantes…

lundi 11 juillet 2011

Peindre, une expérience à partager ...


Symbolisme ? Fantastique ? surréalisme ? Onirisme ? Je ne peux pas me ranger dans une catégorie en « isme » parce que je peins ce que je sais peindre et ce que j'ai envie de peindre. Si certains y voient du surréalisme, du fantastique ou de l'onirisme, c'est bien… Je n'ai pas non plus de thèmes préconçus mais quand il m'arrive de regarder en arrière, je distingue en effet des leitmotivs: vie et mort, vie spirituelle et espérance, l'individu et la multitude, la quête des valeurs, la lumière-esprit et la matière, etc… Il m' est arrivé en effet de sentir chez certains observateurs une réticence devant deux aspects de ma peinture: la tonalité sombre des couleurs et l' expression torturée de certaines scènes. "C' est pas gai !" disent-ils, comme si l'art devait avant toute chose être joyeux et insouciant, comme ces toiles apaisantes remplis de coquelicots qu'on trouve dans certaines chambre d' hôpital ! (et que j'ai fort appréciées à l'occasion). Aucune forme d'art n'est à négliger, ce qui est essentiel c'est d'éviter le diktat d'un genre particulier… Il me semble au contraire que certaines de mes toiles, si elles comportent assurément des zones d' ombre, notre monde n' est-il que lumière ?, s' ouvrent immanquablement sur un espace lumineux qui symbolise l' espérance, un monde plus radieux que celui qui est le nôtre. La plupart des toiles adoptent aussi une orientation verticale qui renforce encore cette aspiration vers le haut.
J'ai souvent entendu aussi le mot mysticisme empreint d'une connotation religieuse: il me semble d' abord que nous ne pouvons balayer d'un revers de main 20 siècles d'Histoire, fut-elle religieuse, et je précise ensuite que l' aspiration vers le haut, la lumière, sont plus une aspiration à s' élever soi-même, une lumière intérieure, une introspection, une élévation spirituelle débarrassée de toute implication religieuse. Religion vient de
religere qui signifie relier, c'est-à-dire relier ce qui est humain et matériel à ce qui nous dépasse. On entre ici dans la sphère du sacré au sens premier du terme situé en dehors de toute religion établie.
Si éprouver un sentiment mêlé de crainte et de plénitude devant un l' infini étoilé d'un ciel d' été s'appelle un sentiment religieux, alors je suis un être religieux, relié au monde, ce monde que j'essaie imparfaitement d 'évoquer dans ma peinture...

Il reste la question de la technique...
A l' heure où la tendance est plutôt à nier la technique au profit d'une expression libérée de toute contrainte technique et culturelle, j'ai souvent eu des doutes. Pas pour moi même car la peinture que j'ai choisie (mais n' est-ce pas plutôt elle qui m' a choisi ?) exige un minimun de technique et de savoir-faire. La question se pose d'une manière plus générale: peut-on créer sans technique ? Si c'est pour poser artistiquement une tache sur un fond blanc, le tout agrémenté d'un long discours doctoral et justificatif, certes oui l'on peut créer sans technique. Je pense cependant que la facilité aisée qu'offrent certaines toiles contemporaines qui nous "parlent" quelque soit la technique utilisée (art brut, minimaliste, conceptuel, abstraction lyrique, etc...) ne peut être que le résultat d'un long travail d' épuration, d' édulcoration... La technique est bien là mais elle disparaît derrière l'acte créatif. Et c'est parce qu'il la possède à fond, que l'artiste peut s'en défaire lentement et volontairement. Picasso n'était-il pas un merveilleux dessinateur ? Et que dire de Matisse ?

D'autre part, je sais pertinemment que ma peinture fait partie d'un créneau assez étroit qui a bien sûr ses passionnés. Mais ceux-ci ne font pas partie du grand public que je respecte, avide de paysages, de marines ou de scènes champêtres ni de cette frange avant-gardiste tournée vers l' abstrait ou le conceptuel qui constitue quand même l' art officiel de notre époque. Je reste attaché à la figuration mais une figuration libre dans le geste, forte et personnelle dans le sens qu'elle induit. Une figuration qui propose une vision originale et sincère du monde intérieur de l'artiste.
 Il faut trouver la galerie très spécialisée dans ce genre de peinture. Avouons aussi un petit défaut: je suis très paresseux en ce qui concerne ma promotion. Je préfère peindre... Merci à ceux qui reconnaîtront dans ces propos hâtifs une part de leurs préoccupations…