... et aussi le simple plaisir d'écrire.

Qui êtes-vous ?

Ma photo
Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...

samedi 13 août 2011

Pauvre monde ...


Bosch: « La nef des fous »

La soirée approche … Je ne suis pas un fan du petit écran, comme on dit … Je lui préfère le grand. Mais je ressens souvent le besoin de regarder le JT, tout en sachant ce qui m'attend … Masochisme ? Peut-être … Besoin de s'informer ? Certainement, tout en sachant qu'il ne s'agit que d'une écume volatile, éphémère, presque volage …

Nous sommes conviés ce soir à partager le faste des préparatifs d'un mariage monégasque. Vous voyez de qui je parle ? Passionnant, non ?
Inventaire exhaustif des réjouissances: limousines, robe de mariée luxuriante (luxure riante, je ne crois pas …), repas rabelaisien (pour la bouffe, pas pour l'ambiance !), petits plats dans les grands, mise en scène coûteuse, vanités passéistes … et inutiles. Et dire que ces mises en image de contes de fée de pacotille (comme le mariage de nos 2 anglais dont j'ai oublié les noms) crèvent l'audimat ! Les larmes de bonheur de Charlène ont inondé la planète (ça tombe bien, on manque d'eau en Somalie: voir la suite).
Décidément, le monde ne tourne pas rond. Et pourtant, elle tourne ! …. Heureusement pour nous, insensible encore pour longtemps, espérons le, à nos petites agitations mesquines ...

Reportage suivant sans transition. Etat d'urgence en Somalie ! Guerres, massacres, populations affamées parquées sous un soleil indifférent, comme le reste de la planète … Mères et enfants étiques (éthique ?), décharnés. Images affligeantes infligées à nos regards étrangers. Malaise profond. Comment continuer à manger tranquillement devant cette infamie ? Mais la vie continue. A Monaco aussi … Il faut bien vivre et nous ne pouvons prendre en charge tous les maux de la planète, n'est-ce pas ? Nous aurons déjà fort à faire chez nous sous le soleil noir et tout aussi indifférent d'une nouvelle crise économique et financière qui se profile.
Mais à peine le temps de se demander que faire lorsque survient le reportage suivant.

Monsieur, Madame et leurs 2 enfants ont trouvé une formule de rêve pour les vacances ou un week-end réparateur: jouer à Robinson Crusoë dans une cabane installée dans les arbres … 150 euros la nuit, c'est donné mais sans eau ni électricité ! sinon c'est pas du jeu. On se la joue Rousseau, retour à la nature. Un rêve d'enfant, quoi !, nos racines bambinesques à portée de tronc … Irrésistible et si cool … Avec néanmoins un repas « gourmand » , faut quand même pas exagérer !, proposé en supplément bien sûr. Si l'on veut tenter cette expérience sylvestre tout en préservant les bienfaits de la civilisation, on peut aussi choisir une cabane de grand luxe, toute équipée, à 450 euros la nuit mais toujours dans un arbre quand même, on se veut proche de la nature, grâce à Dieu ! qui pourtant n'existe pas … « Lost in translation » mais sans risque ...

Quand brutalement le reportage s'interrompt, laissant Monsieur et Madame apprécier un soleil couchant des plus authentiques entre les 2 branches d'un olivier garanti centenaire. Au menu suivant: un camp de Roms réfugiés dans un recoin parisien, entre 2 routes à 4 voies. Dépaysement garanti comme l'olivier susdit. Indigence, hygiène au rabais, allure de bidonville, enfants et femmes négligés, … Pas d'eau et pas d'électricité. Il ne leur manque plus que quelques cabanes installées dans les arbres faméliques et ce serait parfait. Un retour aux sources, à la nature, très rousseauiste, et gratis en plus… Mais de quoi se plaignent-ils finalement ?

Eh oui, rien ne va plus … Les jeux sont faits. Finis de jouer.

Depuis des années, ces images se télescopent, se superposent, s'interrogent l'une l'autre et nous interrogent. Depuis qu'on les voit, il va bien falloir en payer un jour le prix.
Choc des images, comme disait l'autre… Choc de 2 mondes de plus en plus bipolarisés à l'heure de ce qu'on appelle pourtant la globalisation ou mondialisation. On va vers un modèle unique, dit-on, sous la houlette du capitalisme, alors que le nombre des plus pauvres et des plus riches s'accroît sans cesse. Monde rêvé et monde réel … Universalisme et communautarisme … Grandeurs éphémères et misères permanentes … Dualité du monde, persistante, prégnante, essentielle, malgré les utopies et les bonnes volontés ...

L'enfer est pavé de bonnes intentions, ne dit-on pas. La mondialisation et l'expansion du modèle unique néo-libéral sur lequel s'alignent les pays émergents (Chine, Indes, Brésil...) vont contribuer, (sauf prise de conscience collective mais je n'y crois pas trop) à creuser les inégalités, augmenter les problèmes de pollution, de désertification, de déforestation... Les perturbations climatiques et les grandes crises alimentaires commencent à pointer leur nez et inévitablement, le monde ne pourra pas continuer à contenir ce déséquilibre qui s'accentue de jour en jour... On sait que le budget attribué par ménage aux animaux domestiques des familles occidentales permettrait de nourrir de nombreuses familles de pays pauvres !....

Ainsi tout est lié... On peut comprendre que chaque jour des centaines de clandestins risquent leur vie sur des embarcations de fortune pour gagner ces terres qu'ils imaginent être l'eldorado... Et même si on essaie de leur prouver le contraire, rien n'empêchera le flux car c'est cela ou la mort lente au pays...
A l'heure actuelle, personne n'a de solution car tant qu'une remise en cause globale, à l'échelle mondiale, de notre système d'exploitation de la planète et de la répartition des richesses n'aura pas lieu ( c'est du domaine du rêve !), les décisions n'auront que des effets mineurs: quotas à l'immigration, aides aux pays pauvres pour limiter les départs, commerce équitable encore bien timide, etc…

Au-delà de ce sentiment d'incapacité à agir que nous ressentons tous individuellement, chacun est surtout sensible, et c'est normal, à ce qu'il vit au quotidien. Il est en effet plus facile de prôner de belles idées humanistes quand on habite Neuilly ou le fin fond de la Dordogne que si l'on réside à St Denis... On ne peut nier qu'une immigration non contrôlée poserait un problème à un pays qui se dit pourtant terre d'accueil, surtout si les structures d'accueil n'existent pas... On ne peut nier que se mêlent aux problèmes d'intégration des problèmes sociaux que peuvent rencontrer tous les Français comme le chômage, l'absence de perspective d'avenir, etc.. et que cela complique encore les choses. On ne peut nier que si la grande majorité des musulmans aspirent à vivre leur foi sereinement, l'oisiveté liée au chômage est le terreau idéal qui permet l'émergence de courants extrémistes...
Sentiment de malaise et d'incapacité à agir qui n'est qu'une des manifestations parmi d'autres engendrée par la faillite du système, celui du capitalisme néo-libéral étendu à toute la planète, libéralisme de droite ou social-démocratie de gauche dite caviar… Comportements de masse abêtissants orchestrés par les puissants ... Exploitation de l'homme par l'homme, on n'en sort pas. Jésus, reviens ! Diront certains … A chacun ses potions magiques faute de réelle volonté politique globale.
Le problème de l'immigration n'est qu'un épiphénomène de cette exploitation généralisée de l'homme par l'homme… Et comme si cela ne suffisait pas, le système financier s'emballe lui aussi: même ses acteurs impénitents semblent incapables de le contrôler ou le manipulent sciemment à leur profit …

Il semblerait que nous n'ayons plus aucune prise sur quoi que ce soit … Dans un tel contexte, l'individualisme se renforce, se fortifie, au gré des peurs et des angoisses … Et la manipulation a de beaux jours devant elle.

Quand s'opposent, s'affrontent, se querellent, se concurrencent les employés d'une entreprise, les habitants d'un quartier, les supporters de 2 équipes, les tenants de religions différentes, quand le privé jalouse les fonctionnaires, quand la désinformation s'installe, quand la culture de masse se développe, quand les "petits" se reprochent aux uns et aux autres leurs maux et leurs difficultés, qui tirent les ficelles ? ...

Pauvres de nous ! Peut-être pas … Pauvres de nos enfants et petits-enfants ...

Mais ne désespérons pas.

Les Chinois vont coloniser l'Afrique et remettre un peu d'ordre dans tout cela.
Si on manque d'eau un jour, Mars est prête à nous accueillir.
Soulagement ! Dans Super 8, le monde sera encore sauvé par des enfants.
Charlène et Albert de Monaco ne s'entendraient pas très bien, paraît-il, Ouf ! Ils sont comme nous finalement.
Soulagement ! Le plafond de la dette américaine a été relevé. Il va pouvoir dépasser les 14000 milliards de dollars. Voilà qui rassure … Qui a dit qu'ils étaient souvent bas de plafond ? (sorry, I was not able to resist … )
Le Royaume de sa Gracieuse Majesté va mieux: la reprise ne mains a été énergique, damned ! Mais on se demande pourquoi les émeutiers n'ont pas déclenché la fête le jour des noces du siècle. Aucune stratégie, ces casseurs …

Finalement, pourquoi se plaindre ? C'est « L'ami du petit-déjeuner, l'ami Ricoré » qui n'arrête pas de vous le répéter depuis mille ans… Alors, un peu de confiance … Au diable (qui n'existe pas) les rancoeurs et le pessimisme ambiant, comme on dit ! ...

Et pour faire preuve d'un optimisme à toute épreuve justement, je reviendrai bientôt sur ce sujet de la pauvreté ….

mercredi 3 août 2011

L'atelier.




Le temps des expos est terminé,... pour quelques mois. Il faut reprendre le chemin de l’Atelier. Vous me direz peut-être: pourquoi cette injonction ? Il faut que .... Ce devrait être facile, aller de soi, couler de source. Eh bien non ... Ou il faudrait ne jamais s'arrêter, créer dans un perpétuel mouvement, ne jamais sortir de cet état étrange, de ce qu'on nomme le processus de création.

Evidemment, c'est subjectif. Le cas de l'un n'est pas le cas de l'autre. Mais pour ma part, créer est un joie immense et une douleur  lancinante à la fois. ....
Voici le processus si cela peut intéresser certain(e)s… Au-delà de mon petit cas personnel, on peut y voir le problème de la création en général et du processus vital en très général…..... ....
Commençons par un présent dans la passé: la maison baigne dans un silence paisible et nocturne. Tout le monde dort…Il me faut toujours passer par là pour (re)commencer. S'isoler, s'imprégner, se mettre dans le bain, comme on dit. ....
C’est l’heure propice où l’on se retrouve seul face à la toile blanche, un futur autre soi-même, miroir sans concession. On ne s’y voit pas, on est censé y projeter ce qu’on  y voit, ce qu’on voit  en soi, et le retranscrire par une technique et des matériaux divers. Là est la difficulté: on pressent, on voit un schéma mental qui s’organise, ça y est ! On le tient… et le résultat déçoit bien souvent. La transmutation peut ne pas s’exercer. .... ....
Car pour cela, il faut certaines conditions. Il faut rentrer dans l’Atelier et pouvoir poser ses valises lourdes des peines et  soucis quotidiens…
Mais je m'égare. Reprenons ! La maison baigne dans un silence paisible et nocturne. Tout le monde dort… ....
La seule source de lumière provient de l’Atelier, un spot anachronique par son enveloppe métallique dans un monde immobile, en suspens... Car ici, tout semble hors du temps, des livres qu’on aime entasser à perpétuité après les avoir savourés, des objets du passé un peu passés, des photos qui témoignent d’une heure à part, des toiles anciennes appuyées face au mur comme punies d’avoir été, une table basse supportant palette, tubes, médium, couteaux et pinceaux, bric à brac et outillage de base, matière brute d’une rusticité déconcertante au temps de l’art digital. Le chevalet et la toile vierge … qui attendent. Et pour donner du cœur à l’ouvrage un cd de « My Dying Bride »… Hum ! Mise en condition pleine de frissons pour un saut dans les profondeurs. .... Une autre fois, un p'tit Pink Floyd, plus léger et aérien. Cela dépend de l'humeur du soir.
Les sentiments ambigus commencent à émerger.  Angoisse et excitation.Vais-je ressentir ce plaisir à créer, mis entre parenthèse pendant un temps, et pourtant toujours si présent ? Sans lui, impossible de continuer, de supporter les longues heures de labeur, de dépasser les doutes et les difficultés techniques..... Mais il faut se détacher, s'abstraire des contraintes matérielles et laisser parler l'Imaginaire. Difficile. Tout est là, un magma d'images rencontrées dans la vie réelle, photographiées au hasard des promenades, dans le rêve, dans l'Art des autres (cinéma, photo, peinture ...), un bouillon de culture comme dirait l'autre, de mots lus et relus, issus d'oeuvres les plus diverses (SF, fantastique, littérature anglo-saxonne, scandinave, russe) mais aussi en toile de fond, le substrat biblique et mythologique ... Que faire de tout cela ? Comment l'ingérer, le digérer, sans le retranscrire tel quel ? Comment en faire une création personnelle pourtant induite de tout ce contenu cérébral ? Comment dire, exprimer autre chose tout en sachant qu'on ne fera que répéter éternellement la même chose ? .... Difficile d'oser une telle entreprise.
On en revient donc au désir et à la dose de nécessaire Illusion qui met tout en œuvre. Le désir, le levier de toutes nos actions, l’envie, la motivation, l’aspiration… Sans le désir, même si l’Illusion le mène par le bout du nez, rien n’est possible. Pourtant, il ne va pas de soi, on peut le perdre, l’égarer, s’en détacher… On peut lui courir après, vainement… Il peut se faire désirable...  Mais il ne suffit pas de vouloir désirer pour désirer. Comment expliquer alors ce jeu du chat et de la souris avec cet élan essentiel, le moteur de la Vie qui devrait aller de soi ?....... ....
Il met arriver de perdre ce désir, bien souvent… Celui d’œuvrer pour le plaisir, pour la chose en soi, l’acte de peindre. Et même celui qui tend vers un but, indépendamment de ce qu’on ressent en agissant. Ce qu’on appelle, pour faire savant, la motivation intrinsèque et extrinsèque.
Mais soyons sérieux. Quand agir nous coûte, que le plaisir a disparu et quand rien ne se précise à l’horizon,  la mélancolie, l’apathie, voire la dépression guettent… Pourquoi cette sombre éclipse de la motivation ? Usure, déception, fatigue, douleurs, absence de sens ? Certainement un peu de tout, agrémenté à la sauce de l’aigreur, un peu aigre-douce forcément,  faite de ressentiment, de récrimination, de sentiment d’injustice, de la faute à « pas de chance » ou à la société…. Le cercle vicieux s’est mis en place: plus on souffre, plus on se plaint, moins l’on a envie d’agir et moins l’on agit et plus l’on souffre…. La douleur pouvant même servir de prétexte inconscient à ne pas agir…. Si si !...
Cet élan est en nous, dès la naissance certainement, l’appétit de vivre… Mais il puise et accroît certainement sa force dans la petite enfance, le modèle parental qui nous imprègne… ou l’absence de modèle: on peut être motivé par la rage !... 

Mais je m'égare encore. Incorrigible !...
Fermons donc la parenthèse du (non) désir. Dans les moments de doute, c'est souvent un poème de Marie-Ange Pigot qui m'inspire et je lui dois beaucoup, à Marie-Ange et à sa poésie en général… On y parle de souffrance, de destin, d’aspiration spirituelle… La tâche n’est pas simple: saisir l’essentiel sans simplement illustrer, s’imprégner, assimiler et extirper autre chose qui est pourtant le même... Extraire la peinture des tubes un peu durcis, lui redonner lumière mouvement, travailler la pâte et trouver la couleur espérée… On a peur mais le plaisir revient toujours, mélange d’espoir, d’attente, de tension, d’exaltation fugace …. Et la joie profonde de voir l’objet tant imaginé avoir enfin pris forme, mélange de matériaux et d’idées, de matière et d’esprit….
On prend du recul, on s’assoit, on boit un ricoré et on fume une petite roulée (petit péché pas très mignon mais tenace), on est satisfait… pour un temps.....

Rêveries matinales ...


Ne vous arrive-t-il pas quelquefois de louvoyer, souvent le matin, dans un demi-sommeil, aux portes de la conscience ?… Entre deux rives, là où le rêve n’est plus, là où l’état de veille n’est pas encore… Ce que Sartre appelait les images hypnagogiques, je crois… Alternance entre des bribes de réalité et des phases à peine rêvées, semi conscientes, comme une réalité à peine déguisée...
Ou devant un feu de bois qui nous joue un ralenti à la Lelouch, une flamme vacillante de bougie à la De La Tour, hypnotique… On semble alors, en quelques minutes, rejouer le long cheminement d’une humanité perdue entre ses longues errances où dominait jadis l’imaginaire d’une pensée magique, traversées de traits de clairvoyance, d’une humanité où la part de rêve s’incarnait dans les Dieux pour, peu à peu, s’éveiller péniblement de  la torpeur rassurante des croyances, hésiter encore et toujours, avant d’oser, pour une bonne part d’elle-même, se frotter des yeux encore lourds d’une somnolence millénaire et oser regarder, en face, le soleil matinal de la Raison...

Mais lorsque la fatigue pèse lourdement sur les épaules, lorsque le monde alentour nous déçoit, qu’il semblerait bon de retrouver le monde rêvé de l’enfance, les grandes illusions de la jeunesse en se  réfugiant, ne serait-ce qu’un temps, dans la douce inertie de l’irrationnel, en frappant à la porte des marchands de rêves… Retrouver, comme ce moment matinal savoureux où il n’est plus temps de dormir mais pas encore temps d ‘agir, un « entre deux mondes » où le réel serait présent à soi-même mais comme débarrassé de toute agressivité, de tout danger potentiel, un réel magnifié, un réel que l’on pourrait pétrir à sa façon, sur lequel on aurait prise. Le rêve, quoi !…

Mais chaque matin, il  faut bien se dire que le réel ne se limite pas à une couette en duvet d’oie argentée des Pyrénées triple confort et poser  un regard lucide, enfin presque,  sur notre environnement, sur nous-mêmes …

Mais même complètement éveillé, prêt à l’action, nourri au Ricoré et bardé de Nutella, force est de constater que, sûr de ma capacité en ma Raison, de ma maîtrise sur un réel désenchanté, je ne suis pas que raison… Les yeux grand ouverts, débarrassés des scories de l’enchantement religieux, il me faut bien admettre que je suis aussi  poésie, imaginaire, sensibilité irrationnelle, émotion, instinct, pensée refoulée, inconscient… Même ce que perçois dans l’immédiat est déjà transformé dans mon esprit: la sensation devient objet psychique soumis à divers traitements de la psyché.
Notre conscience raisonnée semble  se nourrir constamment d’impressions, de sensations passées au filtre de la Raison mais aussi de l’Imaginaire… Chaque filtre étant plus ou moins important selon la conformation mentale de chacun… Si l’on aime les étiquettes: les rationalistes, les positivistes, les rêveurs, les poètes...

Jung suggère même que nous naissons avec un inconscient chargé des expériences passées de l’espèce. Nous avons en nous de l’archaïsme, le fameux cerveau reptilien mais aussi un inconscient lourd déjà, à la naissance, du poids des millénaires (et qui se manifeste dans l’irruption de ce qu’il appelle les archétypes). Ainsi, nous sommes animés par des stimuli externes mais aussi par des forces internes, difficilement appréhendables mais présentes et actives et dont se nourrissent notre imaginaire, notre sensibilité, nos émotions,...nos névroses, nos complexes, nos peurs… Il reste toujours en nous une part du  primitif qui  agit selon des schémas dont la signification lui est inconnue.
Ne sommes-nous pas un  terrain de conflits entre le caché et le conscient, l’irrationnel et le rationnel, ce que nous nommons le bien et le mal, le subjectif et l’objectif, la joie et la peine. Dualité à laquelle il faut sans cesse échapper pour trouver le juste équilibre. Dualité peut-être nécessaire, propre à la vie elle-même et qui sans cesse se module, se transforme, se relativise … Les 2 faces du vivant entre lesquelles on louvoie en permanence et qu’il nous faudrait intégrer en une unité.
L’homme moderne veut dominer ses émotions mais la conscience ne se nourrit-elle pas aussi  de chocs émotionnels essentiels ? Lutter, dominer, combattre ce qu’on est au nom de codes sociaux dominants ou d’une idée peut-être erronée qu’on se fait de de soi-même semble un combat perdu d’avance…

Qu’il serait doux de faire de sa vie comme un reflet de ce moment fugitif de la rêverie matinale où l’esprit et le corps s’acceptent, où l’on baisse sa garde pour faire avec les différences, le réel et l’imaginaire, comme une imbrication idéale des contraires (à l’image du symbole du Yin et du Yang) !… Alors que, dès la journée commencée, la lutte interne, millénaire, se joue à nouveau dans notre petit théâtre intérieur...
Comme si nous avons perdu  une écoute particulière. … Une écoute  de nos rêves, de nos motivations profondes, de nos actes inconsidérés, de nos pensées fugaces, de notre volonté créatrice… Une écoute vers l’autre et l’ailleurs: l’homme, l’animal, la nature, le mystère… On a beaucoup écrit sur le « désenchantement du monde », inutile d’épiloguer...

Pour terminer: je ne peux m’empêcher de citer quelques passages de  Jung extraits de son livre « L’homme et ses symboles »

« Ce que nous appelons "la conscience de l'homme civilisé" n'a cessé de se séparer des instincts fondamentaux. Mais ces instincts n'ont pas disparu pour autant. Ils ont simplement perdu contact avec notre conscience et sont donc forcés de s'affirmer d'une manière indirecte.  » 

L'homme aime se croire maître de son âme. Ses dieux et ses démons n'ont pas du tout disparu. Ils ont simplement changé de nom. Ils le tiennent en haleine par de l'inquiétude, des appréhensions vagues, des complications psychologiques, un besoin insatiable de pilules, d'alcool, de tabac, de nourriture, et surtout par un déploiement impressionnant de névroses. 
L'homme moderne ne comprend pas à quel point son "rationalisme" (qui a détruit sa faculté de réagir à des symboles et à des idées numineux l'a mis à la merci de ce monde psychique souterrain. Il s'est libéré de la "superstition" (du moins il le croit) mais ce faisant, il a perdu ses valeurs spirituelles à un degré alarmant. Ses traditions morales et spirituelles se sont désintégrées, et il paie cet effondrement d'un désarroi et d'une dissociation qui sévissent dans le monde entier. »

Je ne sais pas si c'est votre cas ...



Je ne sais si c'est votre cas mais elle s'invite quelquefois chez moi, sans qu'on la convie, d'une manière impromptue, souvent quand on l'y attend le moins… Bien souvent, elle est déjà présente avant même qu'on le sache, discrète, délétère, vaguement ici, vaguement ailleurs, mais pourtant bien ancrée près de vous dans votre canapé, votre fauteuil préféré, près de la chaise où chaque matin se déroule le rituel du petit-déjeuner…
Elle sait se faire de plus en plus pressante, sans en avoir l'air, envahissante mais d'une manière subtile, comme l'éther qui pénètre une Diane inconsciente, une pesanteur un corps déjà soumis….
Elle sait se faire douce et amicale, secrète et insidieuse… Elle n'est pas de celle qui vous précipite dans des abîmes sans fond, des négations de soi-même, des récriminations incessantes… Non !… Elle est comme une amie indispensable des jours qui s'égrènent, du Temps qui s'effiloche, elle est la compagne ni bonne ni vraiment mauvaise de votre vision du monde, à cet instant…
En sa présence, le temps semble faire du sur place. Fidèle d'entre les fidèles, elle ne vous quitte jamais pendant ces périodes dont elle seule décidera le terme, elle s'étend même près de vous, chastement, pendant des heures où les heures s'arrêtent, pendant un temps alangui qui s'abstrait du temps quotidien… Si vous la suivez alors, vous êtes emmené, comme obnubilé, hébété, halluciné, vers d'autres rives où plus rien ne compte, plus de plaisir mais plus de souffrance vive, plutôt un triste sentiment assimilé, dominé, reconnu… Vers d'autres rives hors de la réalité subie, hors de la vie contrainte, hors de l'interrogation incessante…. Vers d'autres rives où, quelquefois, peut cependant poindre l'amorce d'une autre réalité.
Ainsi peut-elle avoir pour sœur Utopie…. Et de l'une à l'autre, souvent votre âme hésite… Et l'une comme l'autre savent se faire séductrices, enjôleuses, réconfortantes d'une certaine manière, dans la mesure où elles promettent souvent sans jamais satisfaire… L'Une vous emporte, vous soulève, vous transporte, l'Autre, l'amie de certains jours, vous immobilise, vous tétanise, vous fige tel celui qui osa regarder Gorgone, son propre Moi mis à nu…
Elle aime aussi vous mener au spectacle. Curieusement, à ses côtés, vous voyez le monde sans le voir, vous goûtez un fruit sans le sentir, vous vous déplacez au milieu des merveilles de la nature sans les apprécier… Vous devenez spectateur d'un monde métamorphosé en théâtre auquel vous n'êtes plus convié comme acteur.... Elle est jalouse et possessive, vous veut pour elle seule au point de vous isoler, elle et vous, comme deux amants à jamais maudits...
Je ne sais si vous faites partie de ses amies intimes, de son cercle privé… Peut-être l'avez-vous reconnue ?...
                                                            La douce Mélancolie…

 
Complément:
On  pourrait rétorquer qu’il s’agit là d’un luxe d’enfants gâtés. Enfants gâtés d’un Occident trop favorisé. Quand on n’a rien, qu’on a faim, on ne peut se permettre ce luxe ...

Mais je crois que la monotonie quand elle prend la forme de la mélancolie est indépendante du contexte. Déjà, dès le Moyen Age, les artistes, écrivains et peintres, se sont penchés sur cet aspect émotionnel de la personnalité. Certes, être en accord avec son environnement ou être saisi par l'action permet peut-être d'y échapper mais nous ne sommes pas égaux devant ce phénomène... On constate par exemple que le plus fort taux de suicide est à la campagne où les gens semblent pourtant vivre au contact de la nature... Pas si simple
Oui, il doit y avoir une spécificité de la mélancolie liée à chaque époque. Il est certain que la nôtre est spécifique, marquée par le trop plein, le "tout tout de suite", credo d'une société atteint gangrénées par les plaisirs faciles, les besoins superficiels, et donc le manque... Il faut combler sans cesse ce tonneau des Danaïdes de la consommation.
A cela s'ajoute certainement l'effacement des grandes utopies qui ont dominé le 20ème siècle (pour le meilleur et pour le pire) et le repli sur soi.
De plus, notre société occidentale est fortement marquée par la culpabilité (judéo-christianisme et Freudisme, pour faire court...).
Mélancolie de l'enfant gâté, grandi trop vite... Insatisfaction perpétuelle de celui qui cherche dans les objets le salut...
Il est vrai que le jeune Africain ou le jeune Vietnamien ne connaissent pas ce sentiment: ils sont dans la survie de tous les jours ou dans le rêve d'un monde dans lequel nous nous épuisons (émigration, boum économique de la Chine ou de l'Inde). Ils sont encore dans la quête de ce qui nous a déçus, pour combien de temps ???


Tentation ...


 

Ne vous est-il jamais arrivé de vouloir passer à la trappe ?…. J'entends par là, un jour, d'avoir eu envie de tout lâcher, de faire retraite dans une Abbaye comme celle de la Trappe par exemple.
Si vous êtes un jeune lecteur, cela ne risque pas de vous arriver de sitôt (ou Cîteaux…).Il faut peut-être déjà avoir ressenti une certaine lassitude, avoir porté un regard un peu désabusé sur ce qui fait le quotidien pour éprouver cette envie curieuse d'isolement…
Il m'est arrivé comme beaucoup de regarder un documentaire sur la vie monastique ou de visiter un monastère au cours de mes pérégrinations. Rien de plus banal….
Et j'ai quelquefois éprouvé, vous allez dire cette fois-ci c'est la fin, il est en plein délire mystique ! , comme un sentiment insidieux, une tentation (un peu comme celle de Saint-Antoine mais les démons avaient changé de look), une quasi fascination pour, à la fois l'atmosphère paisible du lieu mais aussi l'ordonnancement parfait des actes qui se répétaient à l'infini, chaque jour identiques à eux-mêmes… Ding ding dong, ding ding dong… C'est l'heure de mâtines…, nones,... complies.
Quand le mouvement incessant de la vie ne vous laisse aucun répit ou, à l'opposé, quand la routine implacable ne vous laisse que du dépit, cette répétition monastique des mots et des actes à l'infini semble apporter la paix à ceux qui la pratiquent.. On peut encore comprendre que le lieu clos, rassurant, l'emploi du temps quasi intemporel à force de recommencement à l'identique fassent envie aux fatigués de la vie trépidante du monde profane… Mais comment expliquer que cette litanie sempiternelle des jours et des nuits ne deviennent pas aussi, à l'exemple de ce qui peut se passer au dehors, routine écrasante, habitudes intolérables ? …. Peut-être qu'une routine porteuse d'un sens, qui élève l'âme (si l'on se place du point de vue du pratiquant), même si elle peut paraître trompeuse pour un athée, transcende cette routine et libère l'homme du matériel pour se consacrer au spirituel…
Ce qui exténue l'homme au dehors de la clôture, l'use, l'ennuie, le vide de sa substance permet peut-être au moine de se construire, de se débarrasser des imprévus, des petites inquiétudes de la vie qui peu à peu nous rongent pour pouvoir se consacrer à ce qu'il pense être pour lui l'essentiel… S'abstraire de l'Avoir et des besoins matériels, s'abstraire de la quête éperdue des promesses du lendemain, s'abstraire des contraintes du travail et des ambitions qui l'accompagnent… S'atteler aux tâches simples pour lesquelles il est fait, jouant humblement sa gamme dans l'orchestre communautaire…
Le lieu y est aussi pour beaucoup… Passionné d'Histoire, et aussi d'Histoire de l'Art, chaque pierre est un peu comme un message d'un passé encore tellement présent. Même athée, je ne peux pas rester insensible à la beauté simple et parfaite d'une abbaye romane, aux jeux des lumières ocres entre les piliers, à la puissance d'une silence envoûtant, troublé, voûte après voûte, par le seul martellement des pas qu'on voudrait plus furtifs...
C'est un peu comme un rêve… On visite ces lieux et l'on s'assoit un moment, nous les incroyants, emplis par une atmosphère qui finalement nous manque ou pour le moins nous interroge. Sinon pourquoi ressentir cela ?
Mais ne craignez rien, malgré ces instants fugitifs, je suis encore bien ancré dans le réel, il faut savoir qu'un ingrédient, et non des moindres, est nécessaire, la foi… Sinon cet espace hors du temps qu'il nous arrive d'envier deviendrait vite un enfer, le comble pour une antichambre du paradis !…
Et d'autre part je suis trop attaché à la vie, avec ce tout qu'elle a de contradictoire, pour me réfugier dans un monde clos, réaction qui m'apparaît un peu comme une fuite. Même s'il elle est vécue comme un engagement par le croyant. Question de point de vue…
Et je préfère très nettement le whisky au vin de messe, et ça, c'est rédhibitoire !...
Il n'en reste pas moins vrai que tout cela pose problème. Je n'hésite pas à me répéter: « On visite ces lieux et l'on s'assoit un moment, nous les incroyants, emplis par une atmosphère qui finalement nous manque. Sinon pourquoi ressentir cela ? »
Ce monde qui se veut de plus en plus rapide, consumériste, cynique d'une certaine façon nous prive à coup sûr de quelque chose… Pas étonnant que le bouddhisme attire autant d'individus. Nous sommes comme amputés de quelque chose. Je dirais même amputés dès la naissance. Quelque chose à conquérir pour être plus complet, plus entier…
Et ce quelque chose, ne devons-nous compter que sur les seules religions pour l'acquérir ?...

A quand un programme politique qui intègrerait les notions de bonheur, de plénitude, de sérénité tout en mettant en avant, évidemment, les conditions matérielles nécessaire à leur obtention


En attendant, vous pouvez vous intéresser à l'oeuvre de Paul Diel, à sa "Psychologie de la motivation" entre autre,  qui nous met à jour les fausses motivations, les fausses illusions, les faux désirs,  qu'ils soient d'ordre matériel, spirituel, politique et même humaniste, et que notre inconscient, assez perfide, nous persuade de leur véracité et de leur pureté. Imagination exaltée et jamais satisfaite qui ne génère qu'une angoisse auto-reproductrice, imaginaire alimenté sans cesse par notre société mercantile qui nous éloigne de ce qui fait notre élan vital, le désir essentiel de tout homme qui, s'il ne s'aveugle pas ou n'est pas aveuglé sciemment, a tout pour trouver cette paix et cette sérénité. 


En acceptant de laisser humblement cette part du Mystère du monde que nous frôlons au coeur lumineux d'une cathédrale, dans le bruissement subtile d'un feuillage ou l'envol puissant gracieux d'une oie sauvage ...

L'arbre.




Il a l’impression fâcheuse depuis quelques mois d’être … un arbre, isolé, rigidifié, un survivant mort-vivant figé au milieu du sentier de la Vie. Bizarre, non ? …....
 ....
Tout s’agite, tout passe autour… Allées et venues continuelles, fébriles, de plus en plus irréelles, distanciées mais bien vivantes alors qu’il s’enracine de plus en plus profondément dans un milieu indifférent.....
Il n’est pas bien portant, un peu comme rongé de l’intérieur. Un parasite certainement, insidieux, vorace, invasif… Il est pourtant là, toujours, apparemment bien portant, tendu vers le soleil, mais la douloureuse vermine l’envahit peu à peu, sûrement, inexorablement.....
Il fait encore partie des vivants, bien sûr,  mais son immobilisme, sa fixité, morbide puisque délaissée par la sève vivifiante, oblige à le contourner, à faire un détour, à faire avec lui tant bien que mal… La vie suit son cours mais il semble y faire obstacle. Un flux vivifiant qui l’indiffère à force de s’y sentir étranger, observateur pitoyable du Mouvement.......
 ....
Ses branches se tordent, dérisoires convulsions, ses feuillent ternissent, même le vent semble l’ignorer… De plus en plus ancré dans un sol où l’énergie s’épuise, se dilue malgré de vains efforts pour y puiser la force indispensable. ....
 ....
Rêve-t-il d’une hache libératrice ? Qui mette un terme ou mieux, qui permette de renaître sur une nouvelle base régénérée, un tronc nouveau libéré de l’inertie, une nouvelle colonne vertébrale, souple et solide à la fois… Un rêve arboricole bien peu réaliste comme tous les rêves. Mais un refuge… Ou pire, la nostalgie des verts paradis  de jadis qui l’enferme davantage dans sa solitude non partagée, indicible, privée, intime… Tendre pousse d’alors, énergique, chlorophylisée à frôler l’overdose, en perpétuelle croissance, conquérante, insouciante d’un avenir pourtant fatal.......
 ....
Car, au plus profond de lui-même, au sein des cernes accumulées par l’existence, la source reste vive mais comme inhibée, contrainte par une écorce de plus en plus rigide, inhospitalière… Ce qui l’attriste et le révolte: ne sent-on pas parfois un frémissement dans un feuillage devenu rare ? Un ultime bourgeon percer la paroi pétrifiée ?... Une dernière lutte entre la sève et le tronc, l’esprit et le corps ? Est-ce possible pour un arbre ? Si cela est, mesurons alors la dimension de son combat, l’ampleur de sa souffrance puis celle de sa défaite inéluctable, la résignation... ....
 ....
Il a l’impression fâcheuse depuis quelques mois d’être … un arbre, isolé, rigidifié, un survivant mort-vivant figé au milieu du sentier de la Vie. Bizarre, non ? …

Il a tout simplement mal au dos…
Texte écrit  après un bloquage du dos particulièrement douloureux … Comme quoi il faut souffrir pour créer … :)