... et aussi le simple plaisir d'écrire.

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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...
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samedi 30 juillet 2011

La mort du Sacré ?



Pour plus de facilité, mettons de côté le sacré au sens de  vital, important ... Il est évident qu'au plan individuel comme au plan collectif, tout ce qui m'est cher (un être, un objet, un lieu attaché à un souvenir) est dit « sacré »…
Jetons plutôt un coup d'oeil sur la notion de « Sacré » en tant que relation à ce qui nous dépasse et qui nous parle autrement, sur la plan symbolique, faute de pouvoir nous parler d'une manière effective. Le sacré en tant que vecteur de l'Indicible…

Je me suis beaucoup intéressé à Mircéa Eliade en général et au livre de Roger Caillois « L'homme et la sacré » entre autres.
Mircea Eliade: « L'occidental moderne éprouve un certain malaise devant certaines formes de manifestations du sacré : il lui est difficile d'accepter que, pour certains êtres humains, le sacré puisse se manifester dans des pierres ou dans des arbres. Or, il ne s'agit pas d'une vénération de la pierre ou de l'arbre en eux-mêmes. Les arbres sacrés ne sont pas adorés en tant que tels ; ils ne le sont justement que parce qu'ils sont des hiérophanies, parce qu'ils "montrent" quelque chose qui n'est ni pierre ni arbre, mais le sacré ».
On rejoint ici toutes les préoccupations du moment sur le « désenchantement du monde ». Le monde désenchanté est peut-être un monde où cette perception du sacré a disparu, du moins dans nos sociétés occidentalisées. Ainsi certains verront dans la terre qu'ils foulent ou le ciel qui les surplombe, simplement de la terre ou un ciel ensoleillé prometteur de coups de soleil à la plage ou bien encore un assemblage de gaz variés. D'autres y verront plus que cela ou même n'y verront pas cela du tout, ils y verront autre chose... Pour être plus exact, ils y pressentiront autre chose...

« Le Monde n'est pas un Chaos mais un Cosmos. Le Ciel révèle directement, "naturellement", la distance infinie, la transcendance du dieu. La Terre, elle aussi est transparente: elle se présente comme mère et nourricière universelle. Les rythmes cosmiques manifestent l'ordre, l'harmonie, la permanence, la fécondité. Dans son ensemble, le Cosmos est à la fois un organisme réel, vivant et sacré: il découvre à la fois les modalités de l'Etre et de la sacralité. »
Ainsi, qu'on cherche à la comprendre par la science, à l'expliquer par le mythe ou une révélation, qu'on l'explore en profondeur ou dans l'espace, la Nature, par ce qu'elle est, par essence, se donne déjà à voir comme Transcendance, naturellement... Même en ce début du 21ème siècle, si nous avons presque épuisé ses ressources naturelles,  nous n'avons pas encore épuisé, loin s'en faut, sa part de mystère et d'inconnu...  Il suffit de l'observer, de s'en imprégner pour immédiatement être face au Mystère… Nous avons, en partie, perdu cette faculté et nous en souffrons. Nous cherchons à la compenser par la Raison techno-scientifique triomphante, par la Foi religieuse en des dogmes confortables, par des dérives vers la magie, l'astrologie, les drogues, la quête matérialiste, etc…
Rappelons-nous ce film savoueux  "Les Dieux sont tombés sur la tête" de Jamie Uys. Même quand un objet de consommation, la bouteille de coca,  fait irruption dans le monde enchanté des Bushmen, elle est immédiatement investie d'une aura divine. Cadeau empoisonné d'ailleurs qui sèmera la discorde... Le Sacré imprègne la pensée primitive, sert de filtre d'interprétation entre l'homme et le monde visible ou invisible... Il ne s'agit pas de revenir à cela évidemment. Mais sommes-nous si sûr de pouvoir nous en dispenser totalement ?  D'ailleurs, notre Bushmen n'était peut-être pas très loin de la vérité. Le Dieu Coca cola a-t-il pas ses adorateurs de par le monde ?.. :)

 Roger Caillois "Le sacré est ce qui donne la vie et ce qui la ravit".
Tout est là, le sacré est dans le mystère de nos origines, nos doutes sur nos fins dernières, la présence du vivant et de la mort, du tréfonds de nos cellules aux confins de l'univers, et le Mystère du Pourquoi et du Comment ... Cette sensation d'un Absolu qui nous dépasse certainement, nous pouvons en faire l' expérience dans notre vie quotidienne lorsque, pendant un instant, on est comme abstrait de ce quotidien, le temps d'un "contact" fugitif avec le Sacré... Sensation fuyante d'un Sacré indicible et inaccessible et qui pourtant se manifeste, à travers les force naturelles, la beauté d'un paysage, l'intensité d'un évènement, la perception de quelque chose de diffus, confus…
Nous sommes à la fois emplis d'admiration et au bord d'un malaise, d'une angoisse. Il suffit de fondre son regard dans un ciel nocturne estival pour en ressentir les effets. C'est la force de notre Imaginaire, notre capacité à produire du symbole qui nous fait pressentir « autre chose » . La pensée symbolique nous est essentielle. Sans elle, pas d'art, pas de langage, pas de poésie, pas de publicité même, etc … et pas de sacralité. C'est pour cela, je crois, que le Sacré, indicible par essence, a besoin de gestes, de paroles, de chants, de symboles pour être appréhendé, capté et, en quelque sorte, piégé par les rituels qui permettent de le renouveler, de l'alimenter en permanence. De garder le contact… Rituels religieux bien sûr mais aussi rituels politiques ou sociologiques (commémorations, symbolique du drapeau, etc…)
Ce respect mêlé de peur, cette admiration qui peut confiner à l'effroi font du Sacré quelque chose de profondément ambivalent… Approcher le sacré peut se révéler bénéfique ou profondément négatif. D'où la notion de tabou associé au sacré, de transgression...et de châtiments possibles.

On peut encore parler longtemps sur le sacré. C'est un champ de réflexion d'autant plus passionnant qu'il opère en bordure de la raison et de l'imaginaire, quelque part où se situe peut-être ce qu'on appelle le spirituel... Disons que c'est une dimension de la relation au monde que nous avons cherché à occulter au nom du progrès et de la science. Comme si la pensée rationnelle ne pouvait cohabiter avec aucune autre forme de pensée. La pensée symbolique devenant le refuge des croyants, des artistes, de l'enfance ou du fantasque… Réenchanter le monde c'est peut-être essayer de retrouver ce lien et de l'adapter à notre vision contemporaine…
Chaque découverte scientifique perce le voile du Mystère pour s'ouvrir...sur le Mystère à nouveau. La quête du Spirituel ne doit pas être réservée à des spécialistes et circonscrites à des domaines précis. Elle est dans le questionnement du monde et de soi, la possibilité de l'Emerveillement encore et toujours, et particulièrement là où, dans sa Quête, le chercheur nous emmène,  au-delà des systèmes solaires ou au plus profond de nos cellules, à nos origines les plus lointaines ou vers nos rêves les plus utopiques...  Le chercheur, le scientifique d'aujourd'hui, n'est-il pas constamment sur le front de l'Inconnu, en quête de sens, en quête de vérités, en quête d'un Graal qui s'éloigne sans cesse au fur et à mesure qu'on s'en approche ?...
Je pense à Bachelard et à ses rêveries sur le feu, à celui qui sut emmener la poésie faire un bout de chemin au carrefour du matérialisme, de l'empirisme et de l'idéalisme...

L'Art et le sacré. 2ème partie.







 Suite ...
Où en étais-je donc ? … Oui, finalement, j'ai trouvé aussi bien pour 10 euros le rouleau.
Mais revenons à notre propos beaucoup plus sérieux. Je tiens d'abord à préciser que je n'affirme rien, j'émets des idées, des points de vue que je ne tiens pas forcément pour vérités acquises... Et ceci est vrai pour l'ensemble du blog.
J'en étais resté à l'idée que l'Art, quoi qu'il se passe, avait partie liée avec le Sacré… Entendons nous bien. Ce que j'appelle Sacré ici n'est pas tout ce qui nous relie à un Dieu quelconque ou à ses saints mais ce qui nous relie (il y a donc bien une notion religieuse au sens de relier/religare), d'une manière qu'on ne peut encore expliquer... à l'Indicible, le Mystère, ce qui nous dépasse en quelque sorte… Ce peut être aussi ce qui nous relie, à travers l'Art, d'une manière inexplicable, à autrui, ce lien sensible, quasi magique, fulgurant mais rare entre l'artiste et l'observateur… Quand ce lien se fait moins rare, qu'on touche presque à l'universel, on entre dans la cour des grands, le chef d'œuvre qui a su peut-être effleurer le Transcendant et le restituer pour en faire une réalité qui « parle » inconsciemment à tous…
Mais de l'universel, passons au grenier de grand-papa !
Arrivés à un certain âge, nous devons tous un jour faire le tri dans les affaires de nos chers disparus… Les vêtements défraîchis, une commode bancale, un lave-linge un peu lessivé iront tout droit à la déchetterie. Mais si nous découvrons une vieille « croûte » patinée représentant un bord de mer ou un bout de rivière sous une frondaison (eh oui, le grand-père faisait dans la peinture), nous hésiterons… Car ici, œuvre d'art ou simple divertissement d'un peintre du dimanche comme on dit, il y a plus qu'un simple objet… Il y a création, il y a une part d'âme…. Il y a ce supplément d'âme enfermé dans l'objet est qui renvoie à autre chose… On touche peut –être ici un aspect essentiel: le statut de l'œuvre d'art est de sortir de l'ordinaire. Elle n'appartient pas à l'ordre des objets techniques communs, elle est extra-ordinaire au sens strict.
Même si nous avons pu noter, qu'à notre époque, c'était de plus en plus l'objet d'art en soi qui devenait sacré, et ceci renforcé par sa mise en place dans un espace sacralisé... Grand-papa et sa modeste toile nous rappelle bien sûr qu' il y a bien plus que cela …
Notre maintenant bien aimé urinoir est beaucoup plus sacralisé par ce qu'il représente que par ce qu'il est, un urinoir. Il représente un acte fondateur et nous savons l'importance que prend tout acte fondateur dans une civilisation. Il rentre ainsi dans l'Histoire de l'Art qui consacre au sens propre du terme. Et c'est en cela qu'il a à voir avec le Sacré (même si on a ensuite tout fait pour renforcer cet aspect, les marchands du temple ne sont jamais loin...). Jésus revient ! Jésus revient !...…
Même s'il se veut anti-art au départ, il a encore à voir avec l'Art et devient les prémices d'un vaste mouvement qui ne cessera de questionner l'homme et sa place dans le monde à travers le rôle de l'objet, son icônisation (j'ai inventé le mot, pardonnez moi), son rejet, sa déstructuration, sa reconstruction, etc… Et si l'Art sert d'intermédiaire à une réflexion sur la place de l'homme et de l'objet dans le monde, à son lien avec le monde et ce qu'on pourrait appeler l'intra-monde (inconscient) et l'extra-monde (origines et fins, sens, transcendance…), il a bien à voir avec le spirituel...
C'est Marcel Gauchet, philosophe qui écrivait:  
« Le spirituel, c'est le religieux quand on n'a plus de nom pour le qualifier ! Une fois que Dieu est parti, qu'on n'est plus capable de donner un contenu déterminé à l'au-delà, au surnaturel, à l'invisible, comment l'appeler ? Beaucoup fuient en entendant le mot « spirituel », mais cela ne veut pas dire que le souci du spirituel ne les habite pas. Le refus de lui donner un contenu explicite n'empêche pas la recherche de cette dimension qui, pour nous aujourd'hui, passe par l'imaginaire. Dans le monde européen désacralisé d'aujourd'hui, il n'y a que l'art qui puisse fournir un analogue ou un équivalent du sacré.»
Jadis dieu fit sortir le monde du néant, fit jaillir la forme du chaos... mais il n'est plus... Les Dieux meurent dès qu'on cesse de croire en eux.
L'artiste poursuit cette tache, comme il le peut: donner forme au chaos ou déstructurer la forme. Il fabrique du réel à partir de concepts mais, à la différence des objets purement techniques, cette réalité est porteuse d'un idéal, d'un imaginaire unique, d'un questionnement perpétuel avec soi-même et avec tout ce qui nous interpelle… Mais la tache est rude. Notre époque consumériste tend à tout récupérer, par l'argent le plus souvent, par le vedettariat (l'artiste reconnu devient un people comme tant d'autres au risque d'y perdre son âme et sa sacralité), par le désenchantement, la désacralisation…. Même si certains résistent. Même si d'autres baissent les bras devant l'ampleur des chefs d'oeuvre écrasants du passé.
Lorsque je contemple par exemple le retable d'Issenheim de Grünewald (je l'ai vu à Colmar, on n'en ressort pas indemne), la descente de croix de Rubens, la Pietà de Bellini ou de Miche Ange, je dois bien reconnaître, qu'au-delà du religieux, certaines scènes sont comme traversées par la grâce. Cela est indépendant de la religion ou de la foi (je ne suis pas croyant) mais je suis profondément sensible à une force qui se dégage de l'oeuvre .
Devant un tableau de Bacon, je ressens la même chose… Pas de croix, d'allusions à la bible mais la même force universelle, la même déchirure des âmes et des corps... L'art porte en lui-même son caractère sacré mais toute œuvre d'art n'y parvient pas forcément… de la même façon que d'innombrables toiles peuplant nos églises n'ont rien de cette force sacrée, résultat d'un travail de commande, le sujet fut-il religieux....
On entre ici dans le domaine d'une étrange alchimie faite d'idées, de gestes, de technique, de fulgurances inconscientes, l'alchimie de la création où l'on a rendez-vous avec soi-même, l'inconnu qui nous entoure, et les autres qui viendront ensuite. Car si l'Art a plus ou moins à voir avec le Sacré selon le talent du créateur, il ne peut être que partagé, collectif… ce qui est le propre du Sacré.
C'est bien pour cela que ses rapport avec le politique furent toujours tellement chaotiques. Par essence, l'artiste est subversif. On tenta toujours de le corrompre, de le flatter ou de le censurer, de l'emprisonner… Il suffit de se rappeler les œuvres impérissables engendrées par les systèmes totalitaires. L'Art désacralisé, qui n'est plus un Art mais un Acte de propagande, n'en servit pas moins à sacraliser les idéologies d'un Führer, d'un Petit Père des Peuples ou d'un Grand Timonier... Alain dans son blog en parle très bien d'ailleurs…. S'il ne touchait pas à quelque chose de profond, d'essentiel, les pouvoirs en place en feraient-ils tellement cas ?
Pour terminer, méfions nous aussi des positions trop radicales. Le « tout est sacré », la moindre pierre, la moindre feuille… Ou le « tout est art » à partir du moment où l'on crée… Ou le « Tout art est sacré »… peut-être mais encore faut-il cerner ce qui est Art et ne l'est pas… J'en resterai là pour l'instant. Je me suis aussi limité à l'Occident et plutôt à la peinture. Il y aurait beaucoup à dire aussi sur la musique ou sur des civilisations où l'Art et le Religieux ne font encore qu'un. Mais ce sont là d'autres débats…

Retenons simplement que si l'on crée et que, ponctuellement, une rencontre, forte et profonde, se fait entre 2 individus à travers l'objet créé, si des portes ont pu s'entrouvrir pour l'un comme pour l'autre, si à travers cette rencontre, l'un comme l'autre, on a cru sentir passer comme un souffle impalpable mais tangible d'une infime part de ce Mystère après lequel nous courons tous, alors on peut être quelque peu satisfait… pour un temps. Car tout est à recommencer, toujours et toujours...

L'Art et le sacré. 1ère partie.





Le Centre Pompidou a installé une expo jusque Août 2008 qui s'intitule « Traces du Sacré ».
C'est après avoir lu un article sur cet évènement que je me suis laissé aller à penser, un peu de manière informelle, à ce qui peut bien relier l'Art à ce qu'on appelle le Sacré
Ce qui suit n'a rien de bien construit, c'est plus un jeu de correspondances qui me sont venues à l'esprit…
Correspondances? Cela me rappelle ce poème de Baudelaire justement, où les mots éclatent de vérités profondes et tellement évidentes pourtant … Allez, je ne peux résister à citer la première strophe qui nous rappellera le bon vieux temps du Lycée.
« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers. »
Ce sentiment du Sacré, au sens non religieux du terme, de quelque chose qui nous dépasse, de quelque chose de confus mais de présent qu'on ne s'explique pas mais qu'on ressent fortement, qui n'a jamais ressenti cela au plus profond d'une forêt, devant l'immensité d'un horizon marin ou sous l'infini d'une voûte céleste ?
L'homme n'a eu de cesse de construire, imaginer, restituer, sous mille formes, ce sentiment indicible… avec cet outil unique dont il dispose, l'imaginaire symbolique. Déjà dans la grotte préhistorique des origines, le simple fait de se libérer du quotidien pour le « mettre en scène » le recréer, semble un acte fondateur d'une pensée qu'on a pu appeler magique mais en tous cas sensible à une autre approche que la simple réalité.
Ensuite, à l'image de la forêt primaire, mille piliers se sont élevés, mille temples se sont érigés de par le monde pour célébrer une divinité… L'Art, architecture, peinture, sculpture, musique, a conclu pendant des siècles, un pacte avec le Sacré dans son acception religieuse… pour le rompre brutalement dès la fin du 19ème siècle et définitivement un peu plus tard sous la forme d'un urinoir (de Duchamp) promu au rang d'une œuvre d'art !.… ou de « Demoiselles d'Avignon » de Picasso.
La rupture avec le sacré au sens religieux du terme était consommée, à moins de faire de l'urinoir un bénitier et des demoiselles de nonnes du Palais des papes… mais faudrait déstructurer le Palais, pas facile, ou le Pape, quasi impossible...
Mais l'œuvre d'art en avait-elle réellement fini avec le Sacré ? On peut en douter…
Une bizarre translation semble s'être produite dans nos pays occidentaux où le religieux expire lentement. La relation de l'Art à un Sacré en perdition semble avoir déplacé la notion de Sacré sur l'objet d'art en lui-même et les lieux où il s'expose… Les nouveaux temples sont les Musées et les galeries et les nouveaux prêtres, les intermédiaires entre la Terre et l'Indicible, les artistes...
Rappelons nous, croyants ou non, nos comportements dès l'instant où nous pénétrons dans une église, une cathédrale surtout… Les voix se font plus basses, le lieu en impose, les pas se font plus feutrés, on se risque à prendre une photo comme si l'on commettait un sacrilège, surtout avec un flash (le Fiat Lux est chasse gardée !)… Ce poids du sacré nous le ressentons aussi dans un monastère ou même au sein d'une ruine, seul, à la nuit tombée, près de quelques piliers, morts cette fois…
Déplaçons nous dans un Musée. Nous retrouvons souvent les mêmes attitudes… Certes, on ne communie pas devant l'autel et le christ en croix mais une ferveur admirative nous presse autour d'une Joconde quasi canonisée ou d'une Marylin de Warhol, véritable icône des temps modernes… les Musées contemporains, œuvres architecturales souvent audacieuses (comme le Guggenheim de Bilbao) sont les nouveaux temples d'oeuvres sacralisées où l'on vient communier par le biais d'un Tour operator…
Et si vous avez déjà poussé les portes d'une galerie de prestige, vous y avez certainement retrouvé le même cérémonial. Or quelqu'un a dit (je ne m'en souviens plus): « le sacré, c'est ce qui ne peut se donner ni se vendre »…. La définition ne semblerait pas coller avec ce qui est en jeu dans le « saint des saints » de la galerie à moins que, dans cet espace, … le sacré n'aille se nicher, non pas seulement dans l'œuvre, mais dans ce qu'elle vaut, le Dieu Dollar… d'autant plus sacré que le nombre de zéros augmente.
Ainsi le sacré semble s'être déplacé vers l'œuvre elle-même en tant qu'objet d'autant plus si elle s'inscrit dans un espace qui la sépare du monde profane. L'objet banal issu du quotidien accède à un statut supérieur et différent de par sa disposition à l'intérieur de l'espace sacré du musée.
Replaçons notre urinoir parmi ses alter ego chez Leroy Merlin par exemple, et la décadence est certaine… Le sacré en prend un sacré coup !… Il est vrai que l'estampillage Leroy Merlin est plus prosaïque que celui du Centre Beaubourg… Mais c'est moins cher. En 1999, un des urinoirs de Duchamp fut vendu aux enchères pour la bagatelle de plus d'1,5 million d'euros !… En cela le Jacob Delafon est nettement plus démocratique.
Inversement, il me semble qu'on a déjà essayé d'uriner, par provocation ou dans un grand jet purement dadaïste, dans un des urinoirs de Duchamp (aussi appelé Fountain) . On cria aussitôt au scandale, à l'iconoclasme, au sacrilège, à la profanation, et j'en passe… Un destin bien paradoxal pour une œuvre qui se voulait au départ aller à contre-courant, à l'encontre de l'art officiel, du savoir-faire, qui intronisait la pratique du ready-made, remettant ainsi en cause les fondements de l'art et sa sacralisation. Faites la même chose chez Leroy Merlin (je n'ai pas d'actions chez eux, craché, juré !), vous vous en tirerez avec une amende pour attentat…. à la pudeur. C'est Duchamp qui de son piédestal céleste doit bien rigoler, à moins que tout cela finalement n'eut rien de spontané. Un coup de bluff qui a bien fonctionné ? Aurions-nous été dupes dès le départ ?

Je vais vous quitter temporairement… Un besoin pressant m'appelle chez Leroy Merlin… pour du papier à tapisser (purement décoratif à 12 euros le rouleau).
Mais on ne peut s'arrêter là, ce serait un peu simpliste. Il est évident que derrière cette histoire pro-statique d'urinoir, on sent un bouillonnement d'idées, il y a bien plus que ce qu'il en paraît. Un 2ème épisode tentera d'explorer pourquoi, malgré la fin apparente du lien Art/Sacré, l'Art contemporain, malgré ses excès et ses dérives, n'a pas brisé le lien, loin s'en faut… Et qu'un Sacré compris dans son sens large, spirituel, débarrassé de toute connotation religieuse, est indissociable de l'Art. Il en sera toujours ainsi qu'on le veuille ou non...
C'est peut-être aussi cela que nous ressentons confusément dans notre relation à une œuvre, ce qui expliquerait nos comportements, le fait qu'elle parle de l'artiste, de celui qui la regarde ou l'écoute, et d'un « plus » indéfinissable qui établit la relation entre les deux et la relation à un Indicible, ce que Paul Diel appelait le « Mystère »…

mercredi 27 juillet 2011

Vous avez dit spiritualité ? 3ème partie.






Mais revenons ici et maintenant… Les religions s’épuisent, une forme de spiritualité endoctrinée de même...

Mais notre Occident moderne  a d’autres compensations: les nouveaux temples de la consommation drainent des foules conquises aux valeurs matérielles, les cathédrales modernes des grands stades du football réunissent rites, couleurs, drames et sentiments d’appartenance, les dieux du stade ont remplacé les dieux du ciel. On en a des exemples tous les jours….
Les Mecques financières dirigent le monde, les nouvelles idoles du spectacle galvanisent la jeunesse, une jeunesse qui recherche quelquefois le paradis perdu à travers les paradis artificiels pour ne trouver que l’enfer, les salles de remise en forme font du corps un objet sacralisé en soi . Ainsi des espaces “sacrés” se reconstituent pour conjurer les monstres que sont l’ennui et la conscience d’être mortel.  Et, par le biais d’Internet, nouvel outil consacré, se donnent libre cours la quête éperdue de la proximité de l’autre à travers les sites de rencontre où l’on est  si lointain et proche  tout à la fois.  Les nouvelles technologies accroissent le besoin de  l’information immédiate et totale, la nécessité de la satisfaction urgente et souvent virtuelle.

Une quête de l’étourdissement absolu alors que d’autres poursuivent depuis des siècles , par la médiation de la peinture, de la musique , de la littérature, de la poésie ou de la philosophie leur propre chemin difficile et exigeant, jamais atteint,  vers un absolu (jamais absolu) mais qu’ils espèrent toujours un peu plus éveillé et lucide. L’expérience spirituelle est multiple, que celle ci soit d’ordre esthétique, philosophique, mystique, psychanalytique même ou tout simplement humaine et quotidienne quand elle tend vers l’autre. Elle  semble donc avoir toujours besoin d’un vecteur pour se développer, démarches qui souvent s’imbriquent, interagissent chez le même individu. L’expérience spirituelle est complexe, évolutive et nuancée, l’antithèse du statique et du rigide. Elle consiste peut-être à s’élever au-dessus des problèmes, s’affranchir des peurs et des envies pour faire de soi un être plus libre, libéré de l’ego,  désireux de s’améliorer et d’améliorer le monde, en phase avec le Présent. Dans la mesure et la réflexion, sous peine de voir fleurir des formes de sublimation exaltées  et névrotiques comme peuvent l’être les mysticismes exacerbés, les délires sectaires, les intégrismes et les fanatismes de tout bord. La Conscience ne peut  croître qu’avec le sens de la mesure et le recul nécessaire par rapport à nos actes et pensées...
L’expérience spirituelle sous tendue par l’intelligence, la raison et la conscience morale peut aussi avoir besoin d’un cadre, d’un processus, d’outils qui lui permettront de se déployer. Les lectures ne sont pas inutiles mais l’alchimie est interne. Nous en arrivons alors à la quête initiatique qui  consistent déjà à s’ouvrir à soi, à faire émerger la Conscience, à vivre le Présent en plein accord avec soi, les autres et la nature.

Ainsi, dans l’aventure spirituelle, quel qu’en soit le type, l’homme est totalement engagé, corps et âme, car pour moi cette aventure relève aussi bien de l’esprit que du corps, toute empreinte de sensibilité et d’émotion, même s’il faut se méfier de nos réactions trop émotives. Tout l’être y participe. Idées, impressions, sensations, tout est mêlé. Il ne s’agit pas d’un travail de l’intellect pur et il n’est pas besoin d’être un puits de science dans lequel on risque l’asphyxie pour s’engager dans une telle démarche. Lectures et savoir sont là aussi des outils nécessaires à certains moments pour avancer mais pas des buts en soi.

Une telle démarche exige aussi d’être nourrie par le monde, nourrie par l’autre qui n’est pas soi donc différent et enrichissant. Elle implique curiosité, abandon des préjugés, humilité et courage. Je pense ici au Petit Prince et à sa rencontre avec le renard qu’il tente d’apprivoiser, rencontre toute de retenue, de patience, de respect et d’amour finalement. Mais il n’en faut pas moins revenir ensuite et toujours sur soi-même, ne jamais se perdre de vue, rentrer au dedans après s’être risqué au dehors... . Et ceci afin d’effectuer ce voyage intérieur qui va nous conduire à tuer les idées reçues, immoler nos vieilles croyances pour les régénérer en idées neuves, en d’autres manières de voir. Ne s’agit-il pas finalement de s’élever en marchant, de passer de l’horizontal au vertical, de la prosternation à la construction d’un être plus libre, plus autonome, un être qui ne s’agenouille pas devant des images mortes, des statues figées, des représentations qui n’ont que le sens et l’importance qu’on veut bien leur donner. Cet être libéré sait que seul est digne de respect l’homme vivant, debout et libre.
Un homme vivant dans lequel on peut y voir ce qu’on appelle le « divin », c’est-à-dire la Conscience épanouie.
Un divin déboulonné du piédestal de la religion pour tomber dans le champ du laïc. Citons Luc Ferry: “C’est parce que Dieu s’est incarné en l’homme que l’homme doit à son tour devenir Dieu”. Dieu s’est donc sécularisé et laisse le champ libre à un humanisme transcendantal, à la nouvelle sagesse des modernes. Humanisation du divin et divinisation de l’humain qui a vu la mort nécessaire du Père. Même pour la plupart des croyants, il ne s’agit plus tant d’adorer le Père que d’incarner sur terre la morale du Fils toute empreinte d’humanisme et à laquelle on ne peut en soi qu’adhérer. Il nous a fallu tuer Dieu le père, tuer le père tout simplement pour devenir soi avec nos propres re-pères. N’est-ce pas la condition première de toute démarche spirituelle ?

Il nous reste ensuite le plus coriace, tuer l’ego en nous, le museler, faire émerger peu à peu, mais que c’est difficile ! ce qu’on peut appeler l’Etre... Curieusement, la dimension spirituelle grandit souvent lors d’un malheur, la perte d’un être cher, une maladie, comme si le fait de rompre brutalement avec le rythme extérieur et habituel de notre vie laissait une place à une autre vision des choses, plus intérieure, plus détachée…
Mais on a beau lire et théoriser, seul compte l’expérience personnelle qui peut peut-être un jour nous entrouvrir les portes de la Conscience qui nous fait vivre pleinement chaque instant du Présent, en harmonie avec ce qu’on pourrait appeler l’unité, l’Un, la globalité du vivant, cette perception des choses que nous avons perdue et qui était peut-être jadis  essentielle à la nature humaine…. Je ne sais pas. Je m’avance un peu, je me méfie des paradis perdus (c’est encore un piège de l’ego que de nous plonger dans la nostalgie au lieu de vivre le présent…). Peut-être que l’homme est ainsi dès l’origine, dès l’émergence d’une pensée rationnelle et d’un imaginaire ? Il aurait, dès le début,   ressassé, regretté, espéré, convoité, meurtri,  envié, , en fin de compte il se serait dès l’origine auto-illusionné...
S’affranchir, grandir et devenir autonome... à la condition essentielle de ne pas faire de l’homme un nouveau dieu et de l’humanisme laïc une nouvelle religion dogmatique. A nous de réfléchir ensemble à ce que pourrait être la spiritualité de demain, libre de toute attache et surtout… de toute certitude … Bonne route !...


Vous avez dit spiritualité ? 2ème partie.





Imaginons alors l’homme primitif, livré à ses instincts de survie dans un monde hostile et inintelligible. Et qui l’est toujours d’ailleurs… Imprégné d’humanité, il est déjà en quête d’un sens qui lui échappe quand il voit le soleil s’élever chaque jour à l’horizon,  l’orage frapper ou la terre trembler… Et pas un p’tit whisky pour le réconforter… Les besoins du corps assouvis, l’âme ou l’esprit se tend déjà vers une réponse qui ne pourra que lui venir que du ciel. « Nos racines sont au ciel » disait Platon. Voilà qui est peu commode et doit nous faire monter le sang à la tête mais ne contrarions pas le docte philosophe. 
Et peu à peu, les réponses émergent d’un imaginaire porteur de sens, un imaginaire empreint du sentiment du Sacré.. Par essence et par besoin, cet homme se fait religieux au sens de “religare”, comme l’entendait Mircea Eliade, c’est à dire relier à quelque chose. On en a déjà parlé. Il se sent mieux. Ouf !... Il  n’est plus seul, il fait partie d’un monde ordonné où tout lui parle secrètement des choses cachées et sacrées… Et surtout il commence à savoir d’où il vient, le ventre de la mère ne lui suffit plus, les cosmogonies se mettent en place, des récits fondateurs, des Dieux devant lesquels se prosterner.… C’est peu cher payer, au pire quelques douleurs articulaires, pour connaître ses origines, quémander quelques faveurs et s’assurer une place de choix post mortem, par exemple « faire du pédalo sur la vague en rêvant et passer sa mort en vacances» comme disait le grand Georges... Ainsi face à ses peurs, sa crainte de la mort, il édifiera des rituels qui le protègeront mais aussi le grandiront au-dessus d’un temporel fait de glaise pour s’élever quelque peu vers un monde impalpable, celui de l’esprit… Ainsi naquit la dualité...

Corps, esprit et âme: la trilogie sur laquelle se fonde toute spiritualité religieuse est en place.

Conscience, morale, lumière, esprit, âme,  appel du ciel, tout est réuni pour former alors une formidable demande, une aspiration, une attente inassouvie, une tension permanente qui forment un véritable élan vital, spirituel… C’est beau, ça de la « gueule », c’est digne d’un spectacle de Robert Hossein !
 Mais il a fallu que cette élan spirituel s’intègre dans une structure, une organisation, une hiérarchie, en un mot l’ Eglise. Un bon créneau comme on dit qui permettra à celle-ci d’asseoir sur le besoin légitime d’être relié à quelque chose, c’est à dire de donner du sens, un pouvoir temporel et politique jamais atteint auparavant. Et ceci par l’élaboration du carcan dogmatique, l’antithèse même de la quête spirituelle. 
Rappelons ici que la notion de Sacré, qu’il nous faut toujours garder à l’esprit,  n’est pas forcément reliée aux Eglises établies. C’est un sentiment fort chez l’homme, qui, s’il est au coeur des religions, n’en est cependant que le ferment, le terreau bien involontaire sur lequel croîtra la foi et l’endoctrinement. Si on ne peut nier à l’Eglise, au tout début du Moyen Age, la capacité à refonder une civilisation de l’ordre assez malmenée, il faut bien le reconnaître, elle n’en justifiera pas moins les inégalités et la misère: souffrance, péché originel, rédemption ou châtiment éternel sont le lot de chacun. Le Christ a souffert pour nous, la moindre des choses est de lui renvoyer l’ascenseur (pardon pour l’anachronisme mais ça a un côté ascension que j’aime assez): souffrir comme il a souffert pour nous, enfanter dans la douleur, porter sa croix, tendre la joue gauche sous peine d’aller en enfer...

La spiritualité, essentiellement religieuse,  s’est donc ancrée pendant des siècles sur un terrain où raison et foi marchaient la main dans la main, où théologie et philosophie s’interpénétraient pour nous aider à comprendre la place de l’homme dans un univers qui se hiérarchisait par rapport à Dieu, un univers qui ne prenait un sens que par rapport à lui. Il y avait donc un créateur, notre éternel créancier, qu’il s’appelle Dieu le père, Allah ou Jehova,  et de pauvres créatures reconnaissantes et maintenues en l’état.
Cette Eglise doctrinaire et rigide a d’ailleurs enfanté inévitablement des rejets: en son propre sein d’abord, avec le mouvement franciscain avide d’une spiritualité axée sur la pauvreté et l’idéal évangélique et les mystiques ivres d’une relation fusionnelle et personnelle avec dieu. Les mouvements hérétiques ensuite comme la spiritualité exigeante du Catharisme écrasée sans merci. D’autres tendances parallèles ont aussi résisté, l’alchimie et son processus initiatique, l’ésotérisme sous toutes ses formes, le mouvement gnostique, un courant fondé sur les évangiles apocryphes rejetées par les Pères de l’Eglise, et peut être aussi la spiritualité païenne des terroirs profonds ancrée dans ce que les autorités appelaient  superstition certes mais aussi dans les vieux fonds mythologiques romains ou celtiques. Et cela pendant que se déroule le fabuleux roman du Graal mené à terme par un Galaad emportant avec lui, fatalement,  le secret de sa découverte...
 
Plus tard, l’entité divine, par ailleurs Grand Horloger  cosmique, Grand Architecte de l’Univers, Grand régulateur du Chaos, recevra les coups de boutoirs des Grandes Découvertes géographiques et astronomiques du début de la science et vacillera sous l’effet des Lumières. Avec Copernic et Galilée, par exemple, la perspective religieuse du monde est bouleversée. Le tournant est amorcé. Auparavant, lorsque la vie était courte et incertaine, l’église offrait le réconfort et l’espoir de la vie éternelle, lorsque la loi avait du mal à s’imposer, elle opposait la force de dissuasion de l’enfer comme une nécessité. Mais le monde a changé. Notre Occident chrétien tendra peu à peu à chercher  ses voies spirituelles hors des chemins consacrés des Eglises, ce qui est loin d’être le cas ailleurs dans les pays non occidentaux. Il s’est désacralisé au sens où il s’est affranchi du poids des religions. Les Eglises restent fortes là où le terreau de la pauvreté et de la misère leur permet d’ asseoir leur autorité morale et souvent politique à l’exemple des Talibans tristement renommés.


Vous avez dit spiritualité ? 1ère partie






La question de la spiritualité me trotte souvent dans la tête.. On pourrait déjà me dire dès cet instant: « Mon pauvre vieux, t’es foutu ! Si tu laisses envahir ton esprit par la pensées et ses dérives, tu n’es pas près d’arriver au bout du chemin… »

La spiritualité, ça se vit, ça se pratique, me dira-t-on, rien ne sert de disserter sur elle… Certes mais que faire alors quand on est un apprenti spirituel ?  Avoir un peu d’esprit, être spirituel, c’est toujours apprécié en société  mais on ne va pas bien loin avec ça ou s’abîmer dans les spiritueux avec une « gueule de bois » assurée le lendemain et un retour à la case départ sur le chemin de la vraie Spiritualité n’est pas non plus la meilleure des solutions…

Mais trêve de plaisanterie. Un peu de sérieux !...

Comment se conformer à un idéal qui nous semble placé bien haut et dont on connaît mal les pratiques ? On sait faire en théorie la part de ce qu’on appelle l’ego et  l’Etre, mais dans les faits, dans la vie de tous les jours, c’est un autre paire de manches ? …

Chaque sentiment emprunt d’une pointe de jalousie, d’envie, de rancœur, de nostalgie, d’impatience, d’orgueil, etc… serait l’expression de l’ego. Chaque fois que je ne suis pas moi-même, que j’endosse un rôle en quelque sorte, c’est l’ego qui montre le bout de son nez qui n’a rien a envié quelquefois à celui de Cyrano.. . Mais qui n’endosse jamais de rôle ? Et même si je me la joue spontané et détendu, n’est-ce pas un rôle aussi que j’endosse ? Comment en être certain ? Et finalement se poser la question, n’est-ce pas prendre le problème par le mauvais bout ? Si on EST, on EST, un point c’est tout….
Mais pourtant on insiste, on veut comprendre. Chaque acte entrepris, chaque décision prise, chaque pensée tournée vers le passé ou l’avenir sont-ils aussi l’expression d’un ego trop présent ou réellement des actes choisis en pleine conscience et en pleine harmonie avec ce que je suis profondément ? Comment puis-je en être assuré ? Comment me libérer du mental, de cette pensée permanente conditionnée par le passé et qui ressasse, et qui ressasse..., et qui planifie, se tourmente, ne se satisfait de rien ou s’auto-satisfait de tout, ...temporairement, toujours temporairement… ?

Comment échapper à la dualité conventionnelle, aux oppositions bien/mal, vie/mort, ordre/désordre ?… Pour aborder la vie comme un ensemble d’interconnections complexes. Il arrive qu’on ressente pourtant ces fugaces moments de plénitude, de paix, de joie, trop fugaces malheureusement… Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui a lâché prise pour favoriser cet instant ? Peut-être le fait de lâcher priser justement (je vous revoie à un article précédent « accepter sans se résigner »)… Sinon notre vie, surtout depuis qu’elle est sur-informée, tend à devenir un capharnaüm, un vaste espace encombré par le matériel, u empilement de choses à faire, à penser, à prévoir… Le règne de l’objet et d’une pensée au service de l’objet…

La difficulté est bien là: arrivé à ce stade, on a conscience qu’on ne doit plus se laisser mener par l’ego, on est conscient d’une certaine folie du monde dans lequel on vit et pourtant on est bien incapable  d’atteindre un niveau suffisant de Conscience… L’impression, du moins est-ce mon cas, d’être entre les deux,  dans un no man’s land, entre prise de conscience, certes, mais bien loin d’être au bout du chemin...

L’expérience spirituelle semble un chemin pavé d’idéal et de réalité qu’il nous est extrêmement difficile de concilier pour marcher sans faux pas, éviter de trébucher, un chemin dallé de certitudes et de doutes, l’un nourrissant l’autre, et qu’il nous faut équilibrer pour éviter la  chute…

Quête d’une relative harmonie, fragile équilibre entre l’instinct primaire et la conscience morale, effort d’élévation perpétuelle, en toute humilité, de notre propre niveau de conscience dans un souci constant de perfectibilité. Telle est la voie spirituelle que tout homme devrait avoir en charge.

Voilà qui est dit !…  ça, c’est l’idéal, digne d’un maître du Tao. On va redescendre sur Terre parmi les pauvres pécheurs.

Pour le commun des mortels dont je suis, qu’il est ardu de trouver les moyens de se frayer un chemin vers un peu de cette « lumière » car ce chemin est d’abord  une traversée de la nuit, des ténèbres, de l’ignorance et du doute .

Mais avant de nous pencher sur les splendeurs et les misères de notre humaine nature, je vous propose de  faire un petit tout en arrière de quelques milliers d’années… dans un 2ème épisode qui suivra bientôt pour revenir à notre propos d’origine dans un 3ème et dernier épisode encore plus palpitant...