... et aussi le simple plaisir d'écrire.

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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...

samedi 30 juillet 2011

L'Art et le sacré. 2ème partie.







 Suite ...
Où en étais-je donc ? … Oui, finalement, j'ai trouvé aussi bien pour 10 euros le rouleau.
Mais revenons à notre propos beaucoup plus sérieux. Je tiens d'abord à préciser que je n'affirme rien, j'émets des idées, des points de vue que je ne tiens pas forcément pour vérités acquises... Et ceci est vrai pour l'ensemble du blog.
J'en étais resté à l'idée que l'Art, quoi qu'il se passe, avait partie liée avec le Sacré… Entendons nous bien. Ce que j'appelle Sacré ici n'est pas tout ce qui nous relie à un Dieu quelconque ou à ses saints mais ce qui nous relie (il y a donc bien une notion religieuse au sens de relier/religare), d'une manière qu'on ne peut encore expliquer... à l'Indicible, le Mystère, ce qui nous dépasse en quelque sorte… Ce peut être aussi ce qui nous relie, à travers l'Art, d'une manière inexplicable, à autrui, ce lien sensible, quasi magique, fulgurant mais rare entre l'artiste et l'observateur… Quand ce lien se fait moins rare, qu'on touche presque à l'universel, on entre dans la cour des grands, le chef d'œuvre qui a su peut-être effleurer le Transcendant et le restituer pour en faire une réalité qui « parle » inconsciemment à tous…
Mais de l'universel, passons au grenier de grand-papa !
Arrivés à un certain âge, nous devons tous un jour faire le tri dans les affaires de nos chers disparus… Les vêtements défraîchis, une commode bancale, un lave-linge un peu lessivé iront tout droit à la déchetterie. Mais si nous découvrons une vieille « croûte » patinée représentant un bord de mer ou un bout de rivière sous une frondaison (eh oui, le grand-père faisait dans la peinture), nous hésiterons… Car ici, œuvre d'art ou simple divertissement d'un peintre du dimanche comme on dit, il y a plus qu'un simple objet… Il y a création, il y a une part d'âme…. Il y a ce supplément d'âme enfermé dans l'objet est qui renvoie à autre chose… On touche peut –être ici un aspect essentiel: le statut de l'œuvre d'art est de sortir de l'ordinaire. Elle n'appartient pas à l'ordre des objets techniques communs, elle est extra-ordinaire au sens strict.
Même si nous avons pu noter, qu'à notre époque, c'était de plus en plus l'objet d'art en soi qui devenait sacré, et ceci renforcé par sa mise en place dans un espace sacralisé... Grand-papa et sa modeste toile nous rappelle bien sûr qu' il y a bien plus que cela …
Notre maintenant bien aimé urinoir est beaucoup plus sacralisé par ce qu'il représente que par ce qu'il est, un urinoir. Il représente un acte fondateur et nous savons l'importance que prend tout acte fondateur dans une civilisation. Il rentre ainsi dans l'Histoire de l'Art qui consacre au sens propre du terme. Et c'est en cela qu'il a à voir avec le Sacré (même si on a ensuite tout fait pour renforcer cet aspect, les marchands du temple ne sont jamais loin...). Jésus revient ! Jésus revient !...…
Même s'il se veut anti-art au départ, il a encore à voir avec l'Art et devient les prémices d'un vaste mouvement qui ne cessera de questionner l'homme et sa place dans le monde à travers le rôle de l'objet, son icônisation (j'ai inventé le mot, pardonnez moi), son rejet, sa déstructuration, sa reconstruction, etc… Et si l'Art sert d'intermédiaire à une réflexion sur la place de l'homme et de l'objet dans le monde, à son lien avec le monde et ce qu'on pourrait appeler l'intra-monde (inconscient) et l'extra-monde (origines et fins, sens, transcendance…), il a bien à voir avec le spirituel...
C'est Marcel Gauchet, philosophe qui écrivait:  
« Le spirituel, c'est le religieux quand on n'a plus de nom pour le qualifier ! Une fois que Dieu est parti, qu'on n'est plus capable de donner un contenu déterminé à l'au-delà, au surnaturel, à l'invisible, comment l'appeler ? Beaucoup fuient en entendant le mot « spirituel », mais cela ne veut pas dire que le souci du spirituel ne les habite pas. Le refus de lui donner un contenu explicite n'empêche pas la recherche de cette dimension qui, pour nous aujourd'hui, passe par l'imaginaire. Dans le monde européen désacralisé d'aujourd'hui, il n'y a que l'art qui puisse fournir un analogue ou un équivalent du sacré.»
Jadis dieu fit sortir le monde du néant, fit jaillir la forme du chaos... mais il n'est plus... Les Dieux meurent dès qu'on cesse de croire en eux.
L'artiste poursuit cette tache, comme il le peut: donner forme au chaos ou déstructurer la forme. Il fabrique du réel à partir de concepts mais, à la différence des objets purement techniques, cette réalité est porteuse d'un idéal, d'un imaginaire unique, d'un questionnement perpétuel avec soi-même et avec tout ce qui nous interpelle… Mais la tache est rude. Notre époque consumériste tend à tout récupérer, par l'argent le plus souvent, par le vedettariat (l'artiste reconnu devient un people comme tant d'autres au risque d'y perdre son âme et sa sacralité), par le désenchantement, la désacralisation…. Même si certains résistent. Même si d'autres baissent les bras devant l'ampleur des chefs d'oeuvre écrasants du passé.
Lorsque je contemple par exemple le retable d'Issenheim de Grünewald (je l'ai vu à Colmar, on n'en ressort pas indemne), la descente de croix de Rubens, la Pietà de Bellini ou de Miche Ange, je dois bien reconnaître, qu'au-delà du religieux, certaines scènes sont comme traversées par la grâce. Cela est indépendant de la religion ou de la foi (je ne suis pas croyant) mais je suis profondément sensible à une force qui se dégage de l'oeuvre .
Devant un tableau de Bacon, je ressens la même chose… Pas de croix, d'allusions à la bible mais la même force universelle, la même déchirure des âmes et des corps... L'art porte en lui-même son caractère sacré mais toute œuvre d'art n'y parvient pas forcément… de la même façon que d'innombrables toiles peuplant nos églises n'ont rien de cette force sacrée, résultat d'un travail de commande, le sujet fut-il religieux....
On entre ici dans le domaine d'une étrange alchimie faite d'idées, de gestes, de technique, de fulgurances inconscientes, l'alchimie de la création où l'on a rendez-vous avec soi-même, l'inconnu qui nous entoure, et les autres qui viendront ensuite. Car si l'Art a plus ou moins à voir avec le Sacré selon le talent du créateur, il ne peut être que partagé, collectif… ce qui est le propre du Sacré.
C'est bien pour cela que ses rapport avec le politique furent toujours tellement chaotiques. Par essence, l'artiste est subversif. On tenta toujours de le corrompre, de le flatter ou de le censurer, de l'emprisonner… Il suffit de se rappeler les œuvres impérissables engendrées par les systèmes totalitaires. L'Art désacralisé, qui n'est plus un Art mais un Acte de propagande, n'en servit pas moins à sacraliser les idéologies d'un Führer, d'un Petit Père des Peuples ou d'un Grand Timonier... Alain dans son blog en parle très bien d'ailleurs…. S'il ne touchait pas à quelque chose de profond, d'essentiel, les pouvoirs en place en feraient-ils tellement cas ?
Pour terminer, méfions nous aussi des positions trop radicales. Le « tout est sacré », la moindre pierre, la moindre feuille… Ou le « tout est art » à partir du moment où l'on crée… Ou le « Tout art est sacré »… peut-être mais encore faut-il cerner ce qui est Art et ne l'est pas… J'en resterai là pour l'instant. Je me suis aussi limité à l'Occident et plutôt à la peinture. Il y aurait beaucoup à dire aussi sur la musique ou sur des civilisations où l'Art et le Religieux ne font encore qu'un. Mais ce sont là d'autres débats…

Retenons simplement que si l'on crée et que, ponctuellement, une rencontre, forte et profonde, se fait entre 2 individus à travers l'objet créé, si des portes ont pu s'entrouvrir pour l'un comme pour l'autre, si à travers cette rencontre, l'un comme l'autre, on a cru sentir passer comme un souffle impalpable mais tangible d'une infime part de ce Mystère après lequel nous courons tous, alors on peut être quelque peu satisfait… pour un temps. Car tout est à recommencer, toujours et toujours...

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