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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...

mercredi 27 juillet 2011

La pensée magique.


Il était une fois… un gamin un peu casse-cou qui, en voulant rattraper au pas de charge un copain qui filait sur son vélo, s’étala de tout son long (déjà grand pour l’époque) sur le bitume et s’entailla profondément le genou. Piqûre, points de suture, etc…  Un gamin, c’est impatient et rester pendant des jours immobilisé sur un lit, ce n’est pas sa tasse de thé (ou de limonade à l’époque)… Un gamin, ça compte les minutes comme si c’étaient des heures, ça confond aussi souvent le réel et l’imaginaire, un gamin croit toujours qu’on peut prendre ses rêves pour la réalité. C’est bien ce qui rend l’enfance...magique.
Alors, muni de quelques rudiments de catéchisme mal digérés, il s’adresse à Dieu et lui dit «  Dieu, si tu me remets debout sans que j’aie mal juste avant que Maman ouvre la porte de ma chambre, alors, Dieu, je le jure, même si c’est pas beau de jurer, j’irai dire 3 « Je vous salue Marie  »  à l’église et je te paierai un cierge… T’es d’accord ? Allez c’est parti… » Mais Dieu, fort occupé certainement avec les morts de la Guerre d’Indochine et qui se préparait à celle d’Algérie qui allait bientôt suivre, n’entendit le gamin, désormais fort déçu et circonspect quant aux pouvoirs de Dieu, du moins quant à sa bonne volonté ou son problème de surdité…

Comme tout adulte qui grandit, il fit plus tard une « croix » sur sa capacité à rassembler les forces du bien par de belles promesses. Mais comme tout adulte qui grandit, il garda au plus profond de cœur cette merveilleuse force enfantine tournée vers l’irrationnel et le magique…

Ainsi chez chacun d’entre nous, même les rationnels les plus endurcis, subsiste cette pensée issue du fond des âges, de la mentalité primitive comme disent les ethnologues, fortement active chez l’enfant et dispersée dans tout l’inconscient collectif, plus ou moins selon les cultures et les civilisations. Cette pensée magique, c’est la conviction qu’on peut , par le biais de certains outils, rituels, paroles, gestes, outrepasser le mode de fonctionnement rationnel du cours des choses, l'idée que tout doit être fait dans les règles les plus strictes sinon "ça ne marche pas". D'où l'intérêt exagéré porté aux rites, aux interdits, aux mille façon de faire et de ne pas faire...


Et bien souvent, lorsque nous sommes confrontés à un grave problème soudain, que nous sommes démunis, nous avons recours, comme le gamin ou la gamine que nous fûmes, à cette pensée magique, cette forme de superstition, en mettant en place, plus ou moins consciemment, des marchandages, de tractations, avec un Dieu ou une force quelconque
Si quelque chose m’échappe, si je ne comprends pas ce qui arrive, si je suis perdu comme l’ enfant au milieu de la nuit, dans le monde hostile et bienveillant de sa chambre, il est facile de me retourner vers la pensée magique. Tout, même le déraisonnable plutôt que l’incertitude… En ces temps de prodiges techno-scientifiques, le marché de l’Astrologie ne s’est jamais porté aussi bien… Cela soulage de savoir que Vénus me sera favorable ou que  Mars a endossé la responsabilité de mes erreurs ou de mes manques...
Et si décidément, le monde me semble trop  hostile, la vie trop ingrate, la gestuelle, la mélopée, la plainte répétitive de la pensée magique peut s’incarner dans des troubles bien plus inquiétants,  des fixations maniaco-dépressives ou des troubles obsessionnels compulsifs.


Cette pensée magique, si elle imprègne les anciennes religions primitives ( ce qui est normal puisque c’est l’essence même du rapport que ces religions entretiennent avec l’autre monde), si elle subsiste plus ou moins dans nos réactions quotidiennes, elle a trouvé son terrain de prédilection dans les grandes religions monothéistes et, pour parler de ce qu’on connaît le mieux, le Christianisme.

La pensée religieuse, sous beaucoup d’aspects, me rappelle cette candeur de l’enfant que chacun fut un jour. Comme l’enfant qui voit son monde traversé de merveilles, l’homme peut y rencontrer des mirages, des miracles, des résurrections, des guérisons spectaculaires… le rituel doit être scrupuleusement respecté, la prière dite à voix haute, tout est martelé, répété jusqu’à l’incantatoire, le leitmotiv… gages de meilleure réussite pour une demande qu’on espère exhaussée en ce monde ou dans un autre bien plus radieux.
C’et tellement vrai, tellement évident que les malheureux qui ne croient pas, les égarés, les brebis perdues, sont promis aux flammes de l’enfer s’ils n’adhèrent pas à cette évidence.
D’ailleurs,  bien souvent, la pensée magique ecclésiastique, officielle ne supporte pas la concurrence d’une pensée magique différente. Ainsi pour écarter tout danger, et du même coup sauver l’âme de ces empêcheurs de penser magiquement en rond, tortures et bûchers furent à l’œuvre pendant des siècles…
L’acte magique par excellence fut le sacrifice, remplacé dans le Christianisme par la commémoration de la mort du Christ: au cours de la messe, le pain et le vin, par le mystère de la transsubstanciation, deviennent réellement le corps et le sang du Christ !… La force magique du sacrifice prendra aussi bien souvent le forme du « bouc  émissaire », à l’encontre d’un individu ou d’un groupe social qui endosse les péchés de la communauté. La peste rôde, la guerre sévît, la famine s’installe, offrons à Dieu quelques « responsables », souvent des Juifs, bouc émissaires séculaires, ou des « sorcières » guérisseuses,  pour susciter sa bienveillance… Ce système pratique est toujours à l’œuvre , même et surtout dans la cour d’école des enfants qui ne sont que ce que nous fûmes… Le cycle se reproduit à l’identique.

Ainsi un objet, une statue de saints ou de saintes, de la Vierge, des reliques, quelques osselets d’un martyr, un bout d’étoffe du linceul, des vrais faux clous de la croix, tout peut servir de support à la pensée magique. Il faut demander selon les règles pour être, peut-être, exhaussé.

La pensée magique attend aussi un résultat quantitatif en échange de ce qui est fait ou offert dans le monde visible.  Plus on marchera, plus la route sera pénible pour atteindre Compostelle ou Fatima, plus les chances sont de notre côté… D’ailleurs, aller à Fatima à genoux est plus efficace que sur ses deux jambes…  je l’ai vu au Portugal. Il suffit aussi de compter la multitude de statuettes de la Vierge à Lourdes pour s’apercevoir de la réussite du miracle...économique.
Par exemple, dire 10 ou 20 chapelets pour telle ou telle faute, payer un nombre déterminé de messes pour l'âme du défunt, acheter à l'église ce qu'on appelait les "indulgences" qui, selon la somme qu'on donnait, permettaient de passer moins de temps au Purgatoire... Utiliser la prière comme monnaie d'échange, faire un marchandage avec dieu qui confine aux comptes d’apothicaire, etc…

Que l'on continue à penser ainsi aujourd’hui me surprend mais pourquoi pas, si cela fait du bien à la personne concernée. A chacun ses petits arrangements avec la vie et la mort.... tant qu'on ne vient pas jouer les imprécateurs sur la place publique.  Selon les latitudes, selon l'histoire particulière de chaque peuple, il est normal que cette pensée continue à fonctionner. Il est surprenant cependant qu’elle se manifeste au sein de nos sociétés occidentalisées, techno-scientifiques et grandes consommatrices de biens. Mais ce n'est peut-être pas si surprenant finalement. Nous vivons une époque qui doute de la voie du progrès, il est normal que certains se retournent vers ce type de pensée qui fait à nouveau espérer. D'ailleurs, personne n'y échappe vraiment: qui peut dire, quand tout va mal, qu'il n'a pas formulé, à un moment de sa vie, presque inconsciemment pour les non croyants, un pari, un engagement, une sorte de contrat avec Dieu ou des forces quelconques. La superstition est profondément ancrée en l'homme. Or, elle ne devrait rien avoir à faire avec la Foi...

Je me souviens de certaines fois, dans certaines circonstances, à l’imitation du gamin qui voulait éviter la convalescence au lit, avoir prononcé tout bas, presque en cachette de ma conscience, les mots « Pourvu que ça dure ...», « Pourvu que ça se réalise ...». J’ai peut-être bien dit: « Faites que ça dure… » A qui m’adressais-je alors ???


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