Difficile d’être sans avoir, à moins de vivre comme Diogène… et de parvenir à être sans avoir. Tout ce qu’on peut dire c’est que l’être se renforce au détriment de l’avoir et réciproquement.
Mais l’avoir ne peut-il pas se décliner de différentes façons. On pense tout de suite aux objets, à la possession d’objets. Celle-ci fait partie de la vie. Tant qu’elle ne devient pas pathologique, tant que nous résistons plus ou moins bien aux sirènes de la consommation, on peut espérer être avec un avoir raisonnable, essentiel mais aussi avec un peu de superflu . Nous ne sommes pas des anachorètes quand même.... D’ailleurs pour le devenir, il faudrait s’exiler bien loin…Diogène ne vivait pas dans la société de consommation qui est la nôtre. Aurait-il résisté aux attraits d’Internet ? Peut-être aurait-il emporté dans son tonneau un téléphone portable, en cachette ? Mais l’avoir ne se limite pas aux objets: il étend ses filets sous toutes formes de possession: le pouvoir, la puissance, la possession dans le couple, un travail, même la tombe qu’on prévoit...
On peut aussi penser qu’avoir c’est aussi avoir le désir de… Il est certain qu’avoir rassure, conforte, apporte, peut-être à tort, un sentiment de sécurité. Certains objets sont aussi bien plus qu’un écran tv ou un aspirateur. Ils sont emprunts d’une charge affective, ils condensent, servent de support à nos sentiments, un souvenir, une image de soi. On peut penser qu’une part de la construction de l’Etre se fait peut-être aussi à travers ses objets… Ils sont bien plus alors de simples objets utilitaires. D’ailleurs l’objet lui-même s’efface alors derrière sa force de représentation…
Mais si tout cela m’aide à construire un Moi, on se situe là évidemment plus du côte de l’Ego que du côté de l’Etre profond. Et la seule pensée qu’on puisse perdre ce qu’on possède nous terrifie. Parce qu’ici nous sommes dans le stable, le connu et que nous avons tendance à toujours vouloir rajouter du nouveau qui s’intègre très vite dans le connu et le stable, éternellement alimenté afin de construire nos « remparts » identitaires… L’objet me rassure, il me renvoie un fausse image positive de moi-même et revoie aux autres cette image qui m’apparaît valorisante . Quand Madame va faire ses courses en centre ville en gros 4x4, c’est son ego qu’elle déplace avec elle plus qu’un bien utilitaire adaptée à la situation…
Mais comme on ne peut pas vivre comme un singe nu, une meilleure santé de l’Etre commencera peut-être par porter sur toutes mes possessions le regard le plus objectif et lucide possible. Dans la société actuelle, il semble illusoire de vouloir être pour être. Nous reportons souvent alors notre incapacité à sortir du système en nous projetant sur des figures idéalisées qui, elles, ont osé faire le pas: l’artiste maudit, le poète, le héros solitaire (pensez à Charlot), … Bouddha et Jésus n’en sont-ils pas l’exemple même ? Ils se sont débarrassés de l’avoir pour n’être plus que des corps/esprits et un enseignement… qui est leur parole et leur personne même devenue exemplaire. Les mythes grecs fustigeaient l’humain qui s’était laissé enchaîner par le matérialisme ou qui avait succombé à la démesure. Les Grecs parlaient alors de la « mort de l’âme », la fin de l’Etre…
Il faut être assez humble cependant. N’est pas Jésus qui veut… Savoir prendre du recul, savoir pourquoi on agit ainsi ou on achète cela, aller à l’essentiel, scruter en soi les réactions de l’ego, c’est déjà pas si mal… C’est vers la fin, en se retournant vers son passé, qu’on comprendra alors si on n’a été que ce qu’on possédait...ou un peu plus.
Pour terminer, 1 citation d’Epicure qui avait déjà tout compris:
"Si les Dieux voulaient exaucer les voeux des mortels, il y a longtemps que la terre serait déserte, car les hommes demandent beaucoup de choses nuisibles au genre humain."
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