... et aussi le simple plaisir d'écrire.

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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...

jeudi 21 juillet 2011

Emportés par la foule ...






Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Écrasés l'un contre l'autre….
On a tous plus ou moins en tête cet air entêtant qui, sous ses aspects dramatico-romanesques, exprime assez bien les effets paradoxaux que le nombre peut avoir sur l'individu.
Je me souviens d'expériences négatives, tout à fait banales en soi, au cours desquelles l'on se sent isolé, perdu, au milieu d'une foule qui ne nous voit pas, nous ignore… Ce que l'on ressent alors, d'autres au sein de la même foule le ressentent certainement aussi fortement. Chacun se vit alors comme une partie anonyme d'un grand tout qui n'a que faire de chacune de ses parties. Ce que nous vivons alors, et qui est plus ou moins ressenti selon les individus, est ce qu'on pourrait appeler l'indifférenciation. Tout le monde sur le même plan, dans le même anonymat… Le cas extrême étant les cohortes fatiguées et un peu comme hypnotisées des utilisateurs quotidiens du métro. Nous sommes innombrables et au même instant immensément seuls, isolés dans notre espace vital réduit à sa plus simple expression, le coude à coude…
L'indifférenciation, l'horreur pour tout individu toujours plus ou moins narcissique !… Ce que nous appelons notre ego en prend un sacré coup et cela peut se traduire par des attitudes affectées, indifférentes mais qui recèlent un profond malaise plus ou moins conscient. Car l'ego ne peut se satisfaire de telles situations… L'image de l'autre nous renvoie notre propre image dévaluée à nos yeux. C'est la temps de l'isolement, du ressentiment, de la récrimination...
Je me souviens aussi d'expériences positives, au sein d'une foule où, bien loin de me sentir mal à l'aise, je me sentais en phase, lors d'une manifestation ou d'un concert, par exemple… Nous sommes pourtant dans le même anonymat, la même indifférenciation mais plane au-dessus de chaque tête un lien collectif qui rassemble. On se sent en phase… On agit dans le même sens, on est là pour le même but, on partage les mêmes valeurs. Indifférenciation peut-être mais chacun se reconnaît dans l'autre et s'inter-valorise d'une certaine façon en se renvoyant une image positive puisque c'est aussi la sienne. L'ego de chacun est alors satisfait et le tout peut former un immense ego collectif auto-satisfait. C'est le temps de la communion, du partage, du sacrifice…
Mais cette même « communion » dans un ego collectif, que l'on peut constater au niveau d'un peuple, d'un état, d'une religion, peut aussi avoir des objectifs moins innocents que de s'asseoir dans l'herbe devant un groupe de musiciens qui s'éclate… Les buts peuvent être aussi la violence, le fanatisme, la guerre, la domination… Le nombre communie alors dans la même ferveur, animé par ce qu'on appelle l'égo qui fait penser qu'on ne peut avoir tort ou qu'on ne peut qu'être des victimes en droit de se venger…
Domination ou victimisation à l'échelle d'un groupe sont les deux faces de la même médaille: une surévaluation de son « moi » collectif érigé par un mental qui oublie tout simplement d'être en soi…
Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas réagir, se défendre, lutter mais en essayant d'avoir une conscience plus éclairée de ses actes, en essayant de ne pas tomber dans les pièges de la surévaluation de soi au point de devoir s'inventer ses propres justifications… N'est-ce pas Mr Bush ?
Nous savons tous comment une foule peut se comporter comme aucun de ses composants pris séparément ne se comporterait. Une foule peut s'exalter, perdre le contrôle, comme une sorte d'entité monstrueuse animée d'une énergie propre…. Et se retourner contre une minorité désignée coupable parce que différente. A plus grande échelle, une nation peut se comporter d'une manière qui serait jugée quasi psychotique chez un individu.
J'y reviendrai plus tard mais citons simplement René Girard et ses recherches sur le thème du bouc émissaire (« La violence et la sacré », « Le bouc émissaire »). Il explique que l'ordre social est fondé sur la différence, à chacun sa place, sa fonction. Le désir mimétique (vouloir avoir ce que l'autre possède, pas forcément des biens matériels, faute de pouvoir être lui) met à mal cet ordre social : lorsqu'un certain seuil d'indifférenciation est atteint, il conduit à la violence et menace de détruire la société. Pour René Girard, la société moderne vit une crise d'indifférenciation généralisée : fin de la différence entre les peuples, les classes, les rôles, les sexes... Le bouc émissaire (l'étranger, l'immigré…) servira à canaliser le désir mimétique et la violence qu'il entraîne. Il va permettre de transformer cette violence interne en une violence de « tous contre un » fondatrice d'une nouvelle paix sociale. Le sacrifice du bouc émissaire va arrêter la crise, temporairement….
Jadis, devant la peste noire, l'indifférenciation régnait en maître. Tout le monde était égal devant la mort. Les juifs en payèrent le prix… Quand les « classes moyennes » de la fin du Moyen Age voulurent se singulariser, se différencier de la masse populaire, on commença à dénoncer les « sorçières »…
Idem dans la grande crise qui précède la montée du nazisme en Allemagne….
Dans un internat, l'indifférenciation est totale. Qui a été interne connaît très bien le processus du bouc émissaire… Idem dans les cours de nos écoles, où les identités encore floues se cherchent, se construisent au détriment des minoritaires différents de la masse, ayant souvent des caractères extrêmes, le plus faible ou le plus fort, le plus laid ou le plus beau, le plus gros ou le plus maigre, le plus pauvre ou le plus riche, etc...
Identification à un groupe (nation, parti, secte, supporters, etc…), perte ou exaltation du moi dans l'élan collectif, chacun cherche ses stratégies. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'à partir du moment où l'on ne se constitue, au sein d'un groupe ou non, que par opposition à autrui, à un autre groupe, on risque l'impasse….
Emportés par la foule qui nous traîne
Nous entraîne
Écrasés l'un contre l'autre….

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