Comme
il faut de tout pour faire un monde, la société villageoise va
cependant résister aux mutations. Les pratiques de guérison et les
bandes de jeunes à marier subsistent, affaiblies mais toujours
présentes. En perte de vitesse, le monde rural est méprisé,
occulté, manipulé ou voire idéalisé (une pensée émue pour
Marie-Antoinette en bergère de luxe…), mais la monarchie absolue
n'a pas réussi à mater totalement le monde paysan malgré les
ciments de la communauté nationale: impôts, lois, langue, religion…
symboles unificateurs avec nos vaillants Gaulois et notre chère
Jeanne d'Arc (que tout le monde veut s'approprier aujourd'hui et pas
toujours les meilleurs d'entre nous…).
Mais
à la veille de la révolution, au-delà de l'appartenance nobiliaire
ou de la richesse bourgeoise, s'est installé un jeu subtil des
apparences fondé sur l'accumulation des biens et les mouvements de
mode. L'écart se creuse de plus en plus, les dominants laissant de
côté les masses de perdants (les losers dirait-on maintenant),
incapables de grimper les échelons de la respectabilité… Etrange
comme on se croirait à l'époque bling bling ou caviar… Non ?...
Résistances
passives des villageois, frustrations croissantes des sociétés
urbaines remettent plutôt en cause l'image d'Epinal de la marche
triomphale du Progrès au siècle des Lumières. Si Lumières il y
eut, elles ne concernèrent que quelques minorités à juste titre
qualifiées d'éclairées…
Tout
est en place pour 89. Et la
révolution aura fort à faire pour recoller les morceaux. Mais,
malgré tout, au final, là aussi dans le sang et les larmes, les
Français revendiqueront en elle, au-delà des particularismes
locaux, régionaux, religieux, une appartenance à une instance
commune appelée République. Là non plus ce ne fut pas sans mal
dans certaines régions comme la Bretagne, la Vendée, la région
lyonnaise et j'en passe… Mais nous étions plus ici dans une
dimension politique et religieuse…
Des
notions fédératrices apparaissent: liberté, égalité, fraternité,
la Déclaration des droits de l'homme, le drapeau, etc…. Nous
sommes à la fois dans l'idéal et le concret, le symbolique aussi,
indispensable aux humains.
Mais
cela n'empêchera pas la fracture de s'élargir d'une manière
terrible au 19ème siècle, entre la bourgeoisie triomphante et le
monde des sous-hommes, anciens paysans déracinés, la masse ouvrière
inculte et surexploitée des mines et des usines.
Cependant
des éléments fédérateurs joueront pleinement leur rôle:
-L'école
de Jules ferry à volonté égalitaire qui par l'apprentissage du
français développera un attachement quasi mythifié à la patrie,
avec un point culminant en 1914. On connaît le résultat…
-L'héritage
républicain qui reconnaît à tous la liberté de pensée, de
conscience, d'expression. Tout en maintenant la subordination de la
femme. Fallait pas en demander trop quand même !…
-Le
pacte social qu'est la laïcité qui garantit la liberté de religion
et de de culte. Il est bon de le rappeler aujourd'hui…
AUJOURD'HUI…
Nous y venons…
A
travers les épreuves du 19ème et du 20ème siècles que je ne vais
pas rappeler ici, les forces de rupture semblent toujours présentes.
Vaille que vaille, il semble y avoir une identité nationale mais qui
reçoit sans cesse les coups de boutoir des inégalités sociales de
plus en plus flagrantes et des apports nouveaux de l'immigration.
Est-ce un hasard s'il faut réaffirmer sans cesse les valeurs
collectives et «sacrées», nation, patrie, s'il faut exhumer les
lieux de mémoire, multiplier les commémorations...alors que des
manifestations identitaires s'expriment de plus en plus, que des
fêlures se creusent de plus en plus au sein du corps social ?
En
fait, la volonté d'uniformisation a favorisé l'éclosion et la
multiplicité des différences. On a voulu «moderne», et l'idéal
d'unité a accouché de la diversité !...L'identité nationale pour
l'instant est donc bien restée à l'état d'idéal, de mythe au sens
de représentation amplifiée, déformée par un imaginaire
collectif…. Elle s'appuie sur des éléments symboliques,
fédérateurs. Certes, nous nous sentons français avant tout mais
l'arbre de l'unité ne cache-t-il pas aussi la forêt des disparités
?...
Je
vous propose dans les 2 derniers épisodes qui suivront, à partir du
thème historique développé auparavant, de vous livrer quelques
réflexions plus personnelles sur la situation actuelle.
Réflexions
qui n'engagent que moi bien sûr…. Si cela était compris
autrement, ce serait «à l'insu de mon plein gré» comme dirait
l'autre...
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