Cet
épisode 3 est tranquille, sans grands rebondissements, mais indispensable. Une phase de transition , le temps de
reprendre un peu son souffle avant les grandes "réjouissances". On
peut le lire en dégustant un «tea». De préférence, évitez la
tisane aux vertus dormitives, ce qui pourrait provoquer un surdosage
avec la lecture du texte...
On
va donc opérer un petit zoom puis un travelling pépère sur un siècle de
transition, le 16ème siècle, qui va voir se mêler et s'influencer
réciproquement culture des élites et culture populaire.
L'homme
de la Renaissance est encore un être assez entier, quelle que soit
la classe sociale. Il peut «piquer» des crises monumentales, faire
preuve de violence extrême mais s'émouvoir fortement et laisser couler
des larmes abondantes… Le vernis policé n'a pas encore fait son
œuvre.
Les
conteurs, source très révélatrice, se posent en véritables
médiateurs en traduisant par écrit les traditions orales. Des
peintres, tel Brueghel, portent un regard souvent indulgent sur une
culture populaire qui s'éloigne de plus en plus de la culture de
ceux à qui ces textes ou ces tableaux sont destinés. Toute une
littérature va ainsi se développer, inspirée de l'oral, contant
les aventures ordinaires des gens du peuple avec déjà le recul
obligé pour une élite sur laquelle le vernis italien est déjà
apparent. Comme «Les évangiles des quenouilles», recueil de sagesse
populaire et de recettes énoncées par six vieilles femmes filant la
quenouille la soir à la veillée… Le monde paysan est raconté,
mis en scène mais déjà édulcoré, passé au crible du filtre du
raffinement naissant. On ne veut déjà plus le voir tel qu'il est.
On n'est pas dans Zola...
Et
l'on y voit poindre aussi, quelquefois, une certaine nostalgie pour
un monde déjà en voie de disparition, un monde où hobereaux et
vilains vivaient de manière simple, en relative harmonie.
Un
monde en mutation… Tiens, ça nous rappelle quelque chose qui nous
concerne de près ! Un Chirac du 16ème (le siècle pas
l'arrondissement) se serait exclamé: gare aux fractures sociales ! Un Vauquiez
de l'époque s'apitoierait sur le sort funeste des classes moyennes.
En effet, toute une frange de la population s'inquiète, commence à
ne plus se sentir à l'aise dans ses chausses, citadins et nobles de
province, face à la fois à un modèle de Cour qu'ils ne peuvent pas
imiter et à un monde paysan qui s'éloigne de plus en plus… Une
catégorie un peu floue apparaît (la classe moyenne déjà ?
Mais évitons de pécher par anachronisme) qui a du mal à trouver
ses marques.
Mais
le grand critère de différenciation qui va tracer des limites
nettes sera la langue française qui s'élabore, intermédiaire entre
le langage de cour italianisant et latinisant et les dialectes
populaires. Elle se fixe et s'impose en 1539 par l'Edit de Villers–
Cotterest…
Fin
16ème, les choses ont évolué mais la fluidité socio-culturelle
reste assez grande. Il y a peu de marginaux, les grands malades et
les lépreux, les Juifs quand ça va mal (ça défoule et ça ne fait
de mal à personne sauf aux Juifs évidemment), mais certainement pas
les pauvres et les «fous» relativement intégrés dans les schémas
de pensée de l'époque.
Mais
à l'aube du 17ème siècle, le Grand Siècle pour les uns, le Siècle
de fer pour d'autres, avec l'émergence du Classicisme et de
l'Académisme, le désintérêt voire le dégoût est consommé. Le
temps de Rabelais et des conteurs truculents est révolu. Le temps de
la transition s'achève. Le monde paysan est devenu bien trop
embarrassant, la France bien trop diversifiée. Nous allons passer
aux choses sérieuses. La rigolade est finie. Le temps de la grande
unification commence. Une identité nationale doit se forger… Et
tous les moyens seront permis. La fin ne justifie-t-elle pas les
moyens ?
Suite
dans l'épisode 4. Cœurs sensibles s'abstenir…. Ou prenez un Xanax
avant la lecture...
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