... et aussi le simple plaisir d'écrire.

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Un peintre qui crée essentiellement une peinture figurative qu'on peut appeler fantastique, onirique, surréaliste,... Comme on veut... Bien que je ne sois pas insensible à toute forme d'art pourvu qu'elle me paraisse sincère et qu'elle provoque quelque chose en moi... Depuis toujours, je tente de peindre l'individu et la multitude, la matière brute et la lumière intérieure, l'arbre de vie, la femme et les racines, l'enfant et le devenir, la foule errante en quête de valeurs à retrouver, les voies parallèles, les mystères des origines et de la fin dernière... Les “SEUILS”, les félures, les passages qui font de nous d’ éternels errants insatisfaits entre mondes réels et rêvés , entre soi et autrui, entre Vie et Mort, entre bonheur et malheur... Un acte de peindre, nécessaire, à l'origine de rencontres furtives mais intenses, et qui fait naître, quelquefois, au bout d'un pinceau fragile, une parcelle de soi... ...ou tout simplement le plaisir et la douleur de créer...

mercredi 3 août 2011

John is dead. 3ème partie. The grief ...



Voici venu le temps du deuil... Pas facile, surtout de nos jours. Eh oui, le deuil devient aventure intérieure, les pleurs se contiennent. L’endeuillé peut même mettre mal à l’aise, on ne sait quoi lui dire... On ne parle pas souvent de toi, Jean, ou fugitivement, sous peine d’être pris en flagrant délit de deuil. Permets moi que je t’appelle à nouveau Jean, l’habitude peut-être… On intériorise tant bien que mal. Et si je m’obstinais trop longtemps dans un désespoir affiché (n’exagérons rien quand même sinon tu risque de te gonfler d’orgueil et ce serait peu propice à ta sortie de purgatoire !), je mettrais souvent dans l’embarras l’entourage. Le deuil met mal à l’aise  On essayera bien de me consoler maladroitement mais mon chagrin  renvoie les autres à leur propre désarroi. Silence ! La mort passe...

!…   .... 
Que de questions tu m’as fait me poser ! Ton corps, on sait tous ce qu’il en advient mais ton âme ? … Ou tout simplement ton esprit ?...  Appelle les comme tu veux...


Peut-être s’est il évaporé avec le dernier souffle de vie ? Peut-être subsiste-il parmi nous, sous une forme inconcevable ? Peut-être est-il devenu ces particules élémentaires indestructibles, les éons (du physicien Jean Charon, tiens ! il  s’appelle comme toi…), les éons, disais-je, qui conserveraient les informations d’ordre spirituel. Ainsi notre esprit puiserait ses racines dans les millénaires antérieurs et se perpétuerait, grâce aux éons, dans les millénaires futurs. Joli, non ? … Tu réconcilierais, Jean, par cette prouesse, Mystique orientale et Physique moderne affirmant toutes deux une unité fondamentale de l’univers. Le réel, malgré les apparences subjectives et particulières, serait fondamentalement Un. On t’attend, Jean, pour que tu reviennes nous le confirmer. Les NDE, tu connais ?… Mais je ne crois pas trop à ton retour, fallait pas trop tarder en route, à moins que tu n'aies voulu rester pour je ne sais quelles raisons… Mais je m'égare dans les méandres de ta mort. A chacun donc de choisir les modalités de son deuil et la forme de la survivance ou de l’extinction définitive du « cher disparu ». (encore un euphémisme…)....

Je ne t’avais pas dit que j’avais croisé au Père Lachaise Allan Kardec, ou plutôt sa tombe, théoricien du mouvement spirite au 19 ème siècle,  tombe toujours fleurie, véritable relique.... autant que celle de Jim Morrison que tu affectionnais et  que tu rencontreras peut-être là-haut ou  en bas...

Quoi qu’il en soit, il faut que le deuil se fasse… Le travail du deuil (triste expression) qui me permettra, non pas de t’oublier, mais de penser à toi sans peine et chagrin… Et tous les coups sont permis, certains allant malheureusement à l’encontre même de ce qu’il faudrait faire…..... Tu en as refusé deux, l’inhumation et la thanatopractie pour te décider finalement pour la crémation
La crémation a le vent en poupe, ce qui réserve quelquefois quelques surprises au moment de la dispersion des cendres... Sans surprise, tu l’as choisie. Ton passé d’anticlérical invétéré as fait que tu t’es enflammé pour cette solution radicale. Peut-être pour épargner tes proches mal préparés à frayer avec un feu associé à la purification mais aussi encore trop souvent au châtiment...comme un arrière goût de bûchers de triste renommée…....


Tu n’as pas choisi non plus de te refaire une beauté de dernière minute dans un beau salon funéraire. Savais-tu qu’on en est venu quelquefois à personnaliser le cercueil en fonction du métier, du violon d’Ingres, du sport favori du disparu… cercueils en rotin pour écologiste, en carton pliable pour crémation, en berceau pour nostalgiques de l’enfance, avec coffret intérieur pour bijoux, ou biodégradable en 8 heures pour immersion dans l’océan... 

J’ai tenté d’imaginer le contenant qui aurait pu te convenir mais j’ose à peine te révéler le résultat de mes cogitations. Un cercueil plombé en forme de boule de pétanque (mais ton arthrite avancée eût empêché la position fœtale nécessaire). Pour évoquer tes anciennes illusions, j’ai pensé aussi au marteau et à la faucille mais j’avais trop peur que tu n’eusses pas la côte (d’Adam) parmi quelques millions d’âmes errantes issues des goulags… La vigueur sexuelle que tu as su garder sur le tard, les infirmières ne me contrediront pas, aurait pu aussi donner naissance à une œuvre maîtresse, s’élevant comme un phare dans la morne plaine d’un cimetière mais… il eût fallu des obsèques, disons, ... très privées. J’avais pensé aussi à t’envoyer en orbite (ça commence à se faire aux USA: 10 000 euros pour 63 millions d’années de manège, ça vous rapproche sans nul doute du paradis…).  A défaut, on aurait pu te cryogéniser à –196° mais là aussi la technique n’est réservée qu’aux plus riches passant brutalement des plages exotiques de leur vivant au luxe d'une congélation temporaire … Ils veulent briser les chaînes de la mort mais gare à ne pas briser tout bêtement la chaîne du froid... Et d’ailleurs je ne crois pas que te revoir frais comme un gardon dans quelques centaines d’années soit la meilleure des choses qui puisse arriver au genre humain de ... Excuse moi pour ma franchise...

Avec la crémation, tu as refusé de te maintenir coûte que coûte parmi nous, les vivants survivants.
 
En refusant de te maintenir à tout prix tel que tu fus, tu nous aides à mieux faire ton deuil, à accepter la mort des morts … Aurais-tu pressenti que, au lieu de mourir « pour de vrai », tu risquais de venir hanter nos jours et nos nuits en ne devenant qu’un « cher disparu » comme on dit maintenant avec pudeur
Là-dessus je vais te quitter mais pour te faire enrager une dernière fois, je vais te citer Papa Freud auquel tu préférais San Antonio, chacun ses goûts… Freud disait que nous ne savions renoncer à rien. Faire son deuil, c’est revenir au principe de réalité, donc de plaisir, c’est accepter le manque. Nous sommes tous un peu comme le mélancolique décrit par Freud, ne sachant renoncer à rien, inapte au deuil. La seule solution est donc d’échanger une chose contre une autre, aimer autre chose, le monde plutôt que soi, les vivants plutôt que les morts, ce qui est plutôt que ce qui fut... Tu nous y as aidé …
Salut Jean… Merci pour l’interview d’outre-tombe… A un de ces jours, là où tu es...

 This is the end
Beautiful friend
This is the end
My only friend, the end

Of our elaborate plans, the end
Of everything that stands, the end
No safety or surprise, the end
Ill never look into your eyes...again

***

En épitaphe, le beau poème de NaTaLym

Ode à la mort

Le livre de vie s'écoule, feuilles par feuilles
Au-delà de nous, c'est le deuil
On cherche, on trouve le déclin
Il nous entraîne par la main
Eau froide, eau pure
Coule sur les murs
Le coeur écoute sa parure
Image figée d'une pluie d'été...

Le livre de vie s'écoule, feuilles par feuilles
Vole au gré du vent
Sonne le deuil
Attends l'après vie sur le seuil
Ode à la mort
Qui frappe encore...

Au-delà du monde, l'univers
Système solaire, si petits nous sommes...
Dans son sillon
Attend que viennent les rayons
Atmosphère sans lendemain
Sans infini, monde clandestin...

A présent
Le livre de vie s'écoule, feuilles par feuilles
Vole dans le vent
Donne le deuil
Attend la suite
Du glas, encore
Ode à la vie, ode à la mort
Qui frappe encore...
Qui frappe encore...


http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=102668574
Quand j’ai écrit ce texte en avril 2009, il s’agissait d’une petite fable « parabolesque » mais qui témoigne certainement de cette peur de la mort qui nous étreint tous. En novembre 2010, la réalité me rattrapa avec la mort, bien réelle celle-ci,  d’un ami ...


Petit codicille:


Vivre et mourir vont ensemble même s’il s’agit de la chose la plus difficile à accepter. . L’enfant meurt dans l’adulte et chaque heure passée dans chaque heure présente. La loi de la vie est la loi du deuil. C’est pas moi qui le dit, c’est Freud et pour faire bonne mesure citons les mots de Dieu… Pas le Big Boss… Je veux dire par là  François Mitterrand: “Jamais la mort n’a été aussi pauvre qu’en ces temps de sécheresse spirituelle où les hommes, pressés d’exister, paraissent éluder le mystère. Ils ignorent qu’ils tarissent ainsi le goût de vivre d’une source essentielle.”

l’Homo Occidentalus a feint de se croire immortel. La mort était devenue accident, anomalie. La société moderne a proscrit tout ce qui pouvait être désagréable dans le quotidien. Même si l’insupportable, la violence, la mort, reviennent en force par le biais du grand ou du petit écran, mais comme banalisées, en dehors du réel, donc tolérables car étrangères et lointaines... 
Nous avons perdu ce rapport particulier avec la mort, ce qui nous la rend d'autant plus redoutable à force de vouloir la nier… Mais les choses semblent bouger… On s’oriente désormais vers l’amélioration du mourir en rendant au mourant sa dignité (soins palliatifs): intégration de la mort dans les études médicales, travaux de l’université de Chicago,  information du mourant sur son état par les médecins finalement soulagés de ne plus devoir assumer une responsabilité insupportable. Un documentaire percutant ébranla l’Amérique, intitulé “Dying”, dans lequel 4 agonies étaient filmées pendant des semaines comme un phénomène ethnologique. Ce fut un premier virage... On y retrouve le modèle de la mort romantique du 19 ème, de la mort familière et publique du Moyen Age, mais aussi celui de la mort solitaire et de la mort niée, refusée.....
Il va falloir composer, trouver un équilibre…. Réapprendre à mieux mourir pour mieux vivre.  ....

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